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embarras, il y avait cependant des spectateurs auxquels l’étrangeté de la situation n’échappait pas, et Madame écrivait, le lendemain de cette représentation : « Je pensais à part moi que, si Mme la duchesse de Bourgogne demandait qui a fait cette comédie, et qu’on lui répondît : « C’est votre oncle », elle serait fort surprise ; mais, du moment qu’elle appelle Mme de Maintenon sa tante, il faut bien reconnaître que Scarron est son oncle, vu qu’il était le mari de celle-ci[1]. »

Souvent — et en particulier à l’occasion d’une des représentations de l’Avare[2] — Louis XIV se plaignait du jeu des acteurs. C’est qu’il les comparait à la grande troupe qui jouait devant lui au temps de Molière lui-même, et dont les plus brillans sujets avaient disparu. La Champmeslé, Baron, que nous retrouverons tout à l’heure, Floridor, Brécourt, étaient morts ou avaient quitté le théâtre. Les acteurs d’alors s’appelaient Guérin (le mari de Mlle Molière, qui restait seul de l’ancienne troupe), de Villiers, Lecomte, Duperier. Aucun n’a laissé de nom. Parmi les actrices, on ne signalait guère que la Raisin, longtemps honorée des bonnes grâces de Monseigneur. Cependant on remarquait les débuts de la Duclos, et Madame, passionnée de théâtre, qui ne manquait aucune de ces représentations, trouvait qu’elle jouait presque aussi bien que la Champmeslé[3].

La duchesse de Bourgogne prenait également grand plaisir à ces représentations, auxquelles elle était fort assidue. Le goût du spectacle lui était venu, et bientôt la comédie à Fontainebleau ne lui suffit plus. Dans sa maison de Clagny, la duchesse du Maine inaugurait déjà ces représentations théâtrales qu’elle devait plus tard transporter à Sceaux, et qui, sous la Régence, allaient devenir si célèbres. Au grand scandale de Saint-Simon, elle-même y jouait « en plein public et en habits de comédienne presque tous les jours[4]. » La duchesse de Bourgogne assistait souvent à ces représentations et y prenait grand plaisir, plus de plaisir que le duc du Maine « qui en sentoit tout le parfait ridicule, et le poids de l’extrême dépense, ne laissoit pas d’être assis au coin de la porte et d’en faire les honneurs. »

Assister à la comédie parut de bonne heure à la duchesse de

  1. Correspondance de Madame, traduction Jæglé, t. Ier, p. 232.
  2. Dangeau, t. VII, p. 391.
  3. Correspondance de Madame, traduction Jæglé, t. II, p. 22.
  4. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XIII, p. 186.