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comédie, de la foire et du bal. » En effet, après que la duchesse de Bourgogne eut été reçue à la descente de son carrosse par M. le Chancelier et Mme la Chancelière, et qu’elle eut été conduite dans la salle de bal, où son portrait en pied ornait la cheminée, les danses furent suspendues, et elle fut introduite « dans un lieu disposé pour lui donner le divertissement d’une petite comédie. » La salle de théâtre avait été disposée par Berain. La comédie était l’œuvre de Dancourt. Il y avait mêlé quelques scènes italiennes que l’on trouva fort ingénieuses, et qui furent agréablement représentées par ses deux filles. « La comédie finie, Mme la Chancelière mena la duchesse de Bourgogne dans une autre salle où il y avait une superbe collation disposée d’une manière ingénieuse. Cinq boutiques étaient tenues par des marchands chantans, c’est-à-dire un pâtissier français, un Provençal marchand d’oranges et de citrons, une limonadière italienne, un confiturier, et un Arménien vendeur de thé, de café et de chocolat. Durant la collation, la musique de M. Colasse, l’un des maîtres de musique du Roi, se fit entendre, chantant des duos et des trios, ainsi qu’un chœur composé de personnes qui parlaient diverses langues et qui ne laissaient pas de s’accorder admirablement bien. » La Princesse retourna ensuite dans la salle du bal où elle dansa jusqu’à quatre heures du matin. En se retirant, elle marqua « en termes fort obligeans qu’elle avoit pris beaucoup de plaisir au divertissement qu’on venait de lui donner et qu’elle en étoit extrêmement satisfaite. Ainsi finit cette fête qui attira beaucoup de louanges à Mme la Chancelière[1]. »

Ce carnaval effréné se termina, le mardi gras au soir, par trois bals auxquels la duchesse de Bourgogne assista successivement : le premier, en masque, chez Monseigneur, le second chez la duchesse du Maine, le troisième chez M. Le Grand (le comte d’Armagnac, grand écuyer), qui dura jusqu’à cinq heures. En sortant, la duchesse de Bourgogne alla prendre les Cendres. Elle déjeuna ensuite avec les dames qui avaient été de sa mascarade, alla mettre en voiture Mme de Maintenon qui partait pour Saint-Cyr, et ne se coucha qu’à sept heures du matin[2]. Il était rare, au reste, qu’elle quittât le bal avant la fin, et elle n’admettait pas que ceux dont elle aimait la société le quittassent avant elle. Par plaisanterie, elle les consignait elle-même à la porte. Saint-Simon, qui

  1. Mercure de France, numéro de février, p. 169 à 194.
  2. Dangeau, t. VII, p. 263.