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la confusion y était affreuse, chose assez fréquente dans les l’êtes de ce temps, où l’on est porté à croire que tout devait être si bien réglé. Il n’en fut pas ainsi chez Monsieur le Prince, « un des hommes qui s’entendoient à mieux donner semblables fêtes[1]. » Bien que son appartement à Versailles fût petit, et composé de peu de pièces, il trouva moyen, rapporte Saint-Simon, de surprendre la Cour par « la fête du monde la plus galante, la mieux entendue et la mieux ordonnée : un bal paré, des masques, des entrées, des boutiques de tout pays, une collation dont la décoration fut charmante, le tout sans répudier personne de la Cour et sans foule ni embarras[2]. » Berain, le célèbre dessinateur, avait aidé le fils du Grand Condé à organiser cette fête.

Monseigneur voulut aussi, pour divertir sa belle-fille, donner un bal masqué où tout le monde aurait pu entrer. La duchesse de Bourgogne ne demandait pas mieux ; elle était prête (Mme de Maintenon le lui reproche) « à danser avec un comédien aussi bien qu’avec un prince du sang. » Le Roi s’y opposa « avec une douceur charmante. » Mais Monseigneur fut piqué de cette résistance, et il y eut, pour la première fois, quelque mésintelligence entre eux à ce propos. « Je ne puis vous dire, ajoutait Mme de Maintenon en racontant la chose à Mme de Clapion, combien ce petit démêlé m’a fait souffrir, et quelle nuit j’ai passée ensuite[3].

Les simples particuliers s’en mêlaient : ainsi le duc d’Antin, l’unique fils du marquis de Montespan, toujours préoccupé défaire oublier, en se rendant agréable, cette filiation légitime qu’il regrettait si fort. Il obtint que la duchesse de Bourgogne vînt inaugurer par un bal masqué l’hôtel de Soissons qu’il avait acheté récemment. Mais la fête la plus galante, comme on disait alors, fut donnée par la chancelière, Mme de Ponchartrain, à qui la duchesse de Bourgogne en avait fait la demande, sachant sans doute que personne ne passait pour organiser aussi bien une fête que Mme la Chancelière. Le Mercure ne consacre pas moins de vingt-cinq pages à décrire les merveilles de celle qu’elle prépara en huit jours. « Madame la Chancelière trouva moyen, dit-il, de rassembler dans la même soirée tous les divertissemens que l’on prend ordinairement pendant tout le cours du carnaval, savoir ceux de la

  1. Sourches, t. VI, p. 230.
  2. Saint-Simon, édition Boislisle, t. VII, p. 53.
  3. Mme de Maintenon d’après sa correspondance authentique, par M. A. Geffroy, t. II, p. 112.