Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/561

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques-uns de leurs symboles. La vogue du taurobole, l’introduction sur les monumens de la basse époque de la représentation du repas sacré, doivent procéder de ce sentiment. C’est une préoccupation du même ordre que semble trahir ce propos d’un prêtre de Mithra, rapporté par saint Augustin : « Mithra est tout chrétien. »

Quant au christianisme, comme, pendant longtemps, il ne recruta sa clientèle que parmi les déserteurs des cultes païens ; qu’on ne naissait pas chrétien, mais qu’on le devenait ; il est naturel qu’une foule de termes, empruntés à la langue des mystères, aient passé dans la sienne[1]. On avait beau dépouiller le vieil homme et revêtir par le baptême de Jésus un homme nouveau, les habitudes d’esprit et de langage étaient plus tenaces que l’idée religieuse elle-même. La pensée se modifiait, quand le moule qui la contenait restait encore presque intact. Il faut considérer enfin qu’après la conversion des empereurs, et surtout après l’échec de la restauration de Julien, la foule, longtemps indécise, hésitante à prendre parti, se précipita dans l’Eglise. Les temples païens se fermèrent, les basiliques se remplirent. À ces nouveaux venus les évêques ne pouvaient tenir longtemps rigueur, opposer les barrières, et interjeter les délais qui étaient auparavant prescrits aux catéchumènes, afin de les instruire et d’éprouver leur foi. Ces conversions en masse, sans altérer la doctrine, laissèrent filtrer beaucoup d’impuretés de provenance étrangère. L’Église, toute à la joie du triomphe et sûre d’avoir à jamais terrassé l’ennemi, ne se montra pas trop sévère. Même elle crut pouvoir composer avec quelques-unes des superstitions les plus fortement enracinées dans les habitudes populaires et les sanctifier en les faisant siennes. C’est ainsi qu’elle adopta plusieurs des fêtes du paganisme, et qu’elle fut amenée à fixer l’anniversaire de la Nativité, jusqu’alors flottant et indéterminé, au 25 décembre, le jour des Natalitia de Mithra et celui où le soleil nouveau entre dans le solstice d’hiver. C’est en 354 que pour la première fois le pape Libérius célébra, à Rome, la Nativité à cette date. Vingt-deux ans plus tard, comme l’atteste saint Jean Chrysostome, elle passa d’Occident en Orient, et prévalut dès lors dans tout le monde chrétien. Alors aussi apparaissent, comme une floraison spontanée et charmante, les Noëls de l’enfance du Christ, dont

  1. C. Anrich en a relevé un grand nombre dans son livre : Das antike Mysterienwesen.