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manifestation sensible est le soleil. Il y a parité étroite de doctrine entre Macrobe et Proclus.

Mais ce fut aussi sa morale active et pratique qui valut au mithriacisme la faveur des derniers Romains.

La morale est l’expression la plus fidèle des forces intimes et réellement efficaces d’une religion. Elle en exprime le suc et la moelle. Dès que cette sève tarit, la religion dépérit et meurt, réduite à de simples rites, comme la plante desséchée à des fibres sans nourriture. Mithra mérita sa fortune par ce qu’il garda de la pureté du culte de Mazda. Le mazdéisme est par essence une religion morale. Elle tient tout entière dans la lutte de la lumière contre les ténèbres, du bien contre le mal, et dans la victoire du premier principe. Le drame céleste, transporté dans le domaine de la conscience, gouverne la vie du croyant et commande toutes ses actions. La condition de la victoire est l’effort, effort de toutes les heures et que rien ne décourage. Les Férouers eux-mêmes n’acceptent la déchéance d’un corps mortel que par vaillance et pour aider Ormuzd dans le combat universel contre le mal. Aussi, à l’exemple de Mithra, le guerrier infatigable, le mithriaste est avant tout un soldat et le mithriacisme une milice. Les Romains sentaient revivre en cette doctrine l’esprit du stoïcisme, qui, deux siècles auparavant, avait exercé sur eux tant d’attrait, en même temps qu’ils y trouvaient un ensemble de dogmes qui répondait mieux à l’état présent de leurs âmes.

Dès leur premier contact avec les Perses, les Grecs furent frappés de la supériorité morale de ce peuple de montagnards. On connaît le mot d’Hérodote : « Les Perses apprennent trois choses à leurs enfans : à monter à cheval, à tirer de l’arc, et à ne point mentir. » Il vante la sûreté de leur parole et de leur engagement : « La poignée de main d’un Perse est le gage le plus certain d’une promesse, » dira Diodore, parole conforme à cette belle sentence de l’Avesta : « Le contrat doit tenir avec le fidèle comme avec l’infidèle. » Défense est faite au mazdéen de contracter des dettes- ; car la dette conduit au mensonge, qui est le plus grand péché contre Mithra. Xénophon, qui est un témoin, écrit sa Cyropédie, pour opposer l’éducation virile et réservée des Perses à celle des jeunes Grecs d’Athènes, et Platon lui-même juge que leur culte est le plus pur que l’on rende aux dieux.

Religion à base pessimiste, puisqu’elle implique l’idée de chute et de rachat, le mazdéisme ne conclut pas, comme le