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l’immense popularité de Mithra. Né en Pannonie d’une prêtresse du Soleil, élevé dans le temple, Aurélien est envoyé comme ambassadeur en Perse. Il lit dans le relief d’une coupe consacrée à Mithra la promesse de son élévation future. Plus tard, empereur, vainqueur de Zénobie, il transporte à Rome le dieu solaire de la cité palmyréenne et prélude au syncrétisme auquel aboutira le paganisme, en unissant dans une même adoration tous les cultes du Soleil. Pour la première fois se lit sur les médailles, avec l’emblème de l’invictus « Sol dominus Imperii Romani ; » Sol et Mithra ne sont plus désormais qu’une même divinité. C’est celle de Dioclétien et de Constance Chlore, celle aussi de Constantin, qui longtemps hésita entre Mithra et le Christ. C’est surtout le dieu de Julien, voué dès sa jeunesse à Mithra, dont il fait le conseiller et « le gardien de son âme. » Le monothéisme latent, que porte en lui le paganisme, trouve sa formule dans le traité que l’impérial écrivain intitule « le roi Soleil[1]. »


IV

L’initiation mithriaque était donnée dans des grottes naturelles ou artificielles, semblables à celle que Zoroastre, le premier, écrit Porphyre, « consacra en l’honneur de Mithra, créateur et père de toutes choses. » Ses mystères, comme d’ailleurs tous les mystères, avaient pour objet d’expliquer aux hommes le sens de la vie présente, de calmer les appréhensions de la mort, de rassurer l’âme sur ses destinées d’outre-tombe et, par la purification du péché, de l’affranchir de la fatalité de la génération et du cycle des existences expiatoires. Cet enseignement suppose un ensemble de doctrines sur l’origine spirituelle et immortelle de l’âme, sa déchéance, son rachat par les mérites et avec l’aide d’un dieu psychopompe et sauveur. Il serait intéressant d’en rechercher la genèse et de remonter à leur source. Elles sont absolument étrangères à la religion d’Homère ; les Grecs eux-mêmes en reconnaissaient la provenance orientale. Ils en attribuaient l’importation à Pythagore, qui lui-même les tenait, directement ou par l’intermédiaire de son maître Phérécyde, d’Egypte et de Chaldée.

Le dogme mithriaque de la catabase et de l’anabase des âmes s’explique en combinant les renseignemens que nous tenons de

  1. Je renvoie pour la diffusion du culte de Mithra dans l’empire au livre de M. Jean Réville : la Religion sous les Sévères.