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LE CULTE ET LES YSTÈRES
DE
MITHRA

Les mystères de Mithra s’introduisirent à Rome, au déclin de la République, vers le même temps où, de tous les points du bassin de la Méditerranée, d’Egypte, de Syrie, de Judée, de Perse et de Chaldée, commençaient à affluer vers la capitale du monde les cultes orientaux et les superstitions étrangères. Rendez-vous de tous les peuples, Rome devient le réceptacle de toutes les religions qu’a connues l’univers, comme si toutes pressentaient, à ce moment précis où s’établit l’empire, la crise religieuse d’où devait sortir une religion universelle.

Les temps étaient propices pour la propagande des dieux nouveaux. La vieille religion se mourait au milieu de l’indifférence générale. À bout de sève, elle avait perdu toute prise sur les âmes, toute action sur les consciences. Il n’en restait que les rites, la liturgie, les gestes extérieurs. Cette mythologie fripée n’imposait plus même aux enfans et aux vieilles femmes[1]. Le peuple, sevré des agitations de la politique et du souci de la patrie, exclu de la religion officielle, qui restait le privilège de l’aristocratie, déshabitué de ses cultes municipaux, n’a plus rien pour satisfaire les besoins supérieurs de sa nature et cette soif obscure d’idéal qui est la noblesse et le tourment des sociétés humaines. Ni la réforme religieuse d’Auguste, — le culte de la Cité-Reine, agrandi à la mesure du monde conquis, — ne pouvait lui donner l’aliment

  1. Les belles études de M. Boissier : la Religion romaine d’Auguste aux Antonins, et le livre de M. Jean Réville : la Religion sous les Sévères, me dispensent d’insister sur la décadence des vieux cultes latins et helléniques.