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distingués de l’Espagne actuelle, et en même temps un de ceux qui ont su le mieux obtenir l’estime de tous, même de leurs adversaires. Il a un grand talent de parole ; il est hautement respectable dans sa vie publique et dans sa vie privée ; on ne peut l’attaquer que sur le terrain politique ; mais on l’y attaquera, et on le fait déjà très vivement. Lui aussi, a dû faire alliance avec un général. M. Sagasta avait le général Weyler, il a le général Polavieja. Rien de mieux, si le général Polavieja était simplement ministre de la Guerre et réduisait là ses prétentions ; mais il entend bien être un homme politique, et il a exposé naguère tout un programme qui n’a pas paru sans danger. Le régionalisme y tenait une grande place. Il en tient, d’ailleurs, une non moins grande dans celui de M. Silvela. Qu’est-ce que le régionalisme ? Suivant qu’on prend le mot dans son acception la plus large ou dans la plus étroite, c’est le séparatisme provincial qui peut être poussé au point de mettre en cause l’unité de la patrie, ou c’est simplement la décentralisation. Dans son discours à la Chambre, M. Silvela a expliqué qu’il n’entendait pas par-là autre chose que la décentralisation administrative ; mais il faut convenir que son commentaire n’a pas été très clair. Il s’est réclamé des traditions monarchiques. « Où sont, a-t-il demandé, les monarchies qui ont réalisé l’unité sans tenir compte des vrais sentimens des peuples ? Ce qui a réalisé cette unité, ç’a été le jacobinisme et la Révolution. Mais ni la monarchie autrichienne, ni la monarchie anglaise, ni la monarchie française avant la Révolution, ni encore moins les monarchies allemandes, n’ont rompu avec les sentimens vifs et enracinés du pays. » Sans doute : pourtant, il y aurait beaucoup à dire sur ces aperçus historiques, mais à quoi bon ? Le discours de M. Silvela indique les tendances du nouveau gouvernement ; il ne dit pas où elles s’arrêteront. Ses adversaires brandissent contre lui l’accusation de régionalisme séparatiste : ils y en ajoutent une autre, celle de cléricalisme. On assure que M. Silvela espère désarmer le carlisme et se rattacher de plus en plus les vieux élémens conservateurs, — peut-être faut-il dire quelque chose de plus que conservateurs, — en s’assurant le concours de Rome. Il s’est aussi expliqué par avance sur ce reproche, et voici dans quels termes : « Je n’entends pas admettre l’ingérence du Saint-Siège dans les affaires de l’Espagne, ni susciter des questions religieuses ; mais je m’aiderai des inspirations du Vatican dans l’ordre très élevé de la science sociale, de l’économie politique, en ce qui concerne l’accord entre les classes sociales, les rapports entre les pauvres et les riches, l’exercice de la charité et l’organisation sociale dans un sens humanitaire. » Il a conclu en disant que l’Espagne, étant un pays