Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous appelons aujourd’hui la facture ou le métier. Il vaut beaucoup moins par l’ingéniosité, la finesse et le détail, que par une généralisation volontairement sommaire, et par la grandeur des partis pris. Parti pris de composition et d’architecture : témoin la seconde moitié de l’ouvrage, établie sur quatre ou cinq thèmes très apparens, très en dehors, qui se correspondent et se reproduisent, mais se développent à peine et ne se combinent presque jamais. Parti pris d’instrumentation : usage audacieux, ou naïf, des procédés les plus élémentaires, unissons, batteries et trémolos ; division de l’orchestre en groupes franchement séparés. Un peu trop séparés, ont dit les partisans de la fusion et de l’homogénéité ; mais je ne déteste pas cette séparation des pouvoirs et cette répartition très nette des forces expressives entre les agens sonores. Parti pris enfin dans la diction ou la déclamation ; parti pris de n’employer à l’expression du texte que peu de notes, mais choisies, mais toujours nobles, toujours efficaces et profondes. Ce parti-là surtout, il faut n’être pas le premier venu pour le prendre, et pour le soutenir.

Sans doute l’œuvre très italienne du jeune Italien ne fait pas la première place à la symphonie, à la polyphonie instrumentale, au jeu des timbres. Elle est moins d’un virtuose adroit que d’un artiste inspiré. On l’a, paraît-il, qualifiée de réactionnaire. Et quand bien même elle le serait ! Quel serait le mal, ou plutôt quel ne serait pas le bien, si cette œuvre aujourd’hui, si quelque chef-d’œuvre demain, très simple, très un, arrivait à rassembler et à refondre les élémens d’un art qui s’éparpille et se décompose chaque jour davantage ! L’émiettement, la division à l’infini, voilà de quel péril il faut qu’un grand musicien ne tarde pas à nous sauver. L’excès de la polyphonie instrumentale menace peut-être la musique du même danger où l’exposa la polyphonie des voix à la fin du moyen âge. Il ne s’agit plus de multiplier, mais de réduire, et ce n’est pas du nombre, mais de l’unité que nous avons aujourd’hui le plus pressant besoin.

Or, ces qualités ou ces vertus sont proprement italiennes. Elles ont, durant des siècles constitué jadis le fond et l’essence même du génie italien. La trace ou le souvenir en est plus sensible et mieux dégagé dans la dernière œuvre de Don Lorenzo Perosi que dans ses oratorios précédens. Plus d’originalité nationale s’affirme dans la Résurrection du Christ que dans la Passion, la Transfiguration et la Résurrection de Lazare. Ici, les réminiscences particulières et formelles, les citations involontaires ont presque entièrement disparu. Il ne reste qu’une influence générale de traditions très nobles et très pures. Par ce