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balayer le ciel. Ils donnent avec une force étonnante l’impression de la solitude et de la splendeur. Ils célèbrent en sa nouveauté, en sa fraîcheur rayonnante, le miracle accompli, mais encore ignoré.

Madeleine vient. Elle dit, et l’orchestre avec elle, son émoi devant le tombeau vide, son angoisse, sa recherche et sa course haletante au-devant des disciples. Soudain l’Alléluia retentit encore, opposant à ce doute, à ce trouble, la fière joie d’une certitude inébranlée. J’aime, pour la pitié qu’elle exprime, pitié souriante et qui prévoit la consolation prochaine, l’interrogation des deux anges : Femme ! pourquoi pleures-tu ? J’aime surtout, circulant toujours entre les périodes lyriques, le récit qui s’anime, s’assure, et de plus en plus resplendit.

Enfin voici Jésus. Oh ! que la scène était périlleuse pour un musicien d’aujourd’hui ! Un si grand maître d’autrefois l’avait consacrée et peut-être à jamais interdite ? Connaissez-vous, dans l’œuvre plus que deux fois séculaire de Schütz, le sublime Dialogue de Pâques ? Après un tel chef-d’œuvre, fût-ce environ trois siècles après, il semblait qu’une voix sortît du sujet même et dit aussi : Noli me tangere. Eh bien ! de jeunes mains viennent d’y toucher, et ce qui pouvait être un sacrilège n’a été qu’une audace heureuse. Dans l’oratorio de Don Lorenzo, voilà pour ainsi dire la grande lumière centrale. L’éclat en est irrésistible ; il en eût été intolérable, si le musicien ne l’avait admirablement préparé. Depuis le début de la seconde partie, la clarté ne cesse de se répandre et de s’accroître. Elle baigne et fait comme transparent ce verset du récit : « Madeleine se retournant vit Jésus ; mais elle ne le reconnut pas et crut que c’était le jardinier. » Le jardinier ! Plus d’un chef-d’œuvre de la peinture primitive est né de cette courte et gracieuse méprise et de cet humble mot. Au moment de le dire, le mot évocateur, cet hortulanus, que la prononciation italienne fait mélodieux et doux, la musique le prépare et le commente par un dialogue d’orgue et d’orchestre, que les grêles sonorités de l’harmonium ont malheureusement gâté. N’importe, on a deviné l’intention pastorale et printanière, et, comme sur les toiles des vieux maîtres, on a cru voir un moment, tenant la bêche et portant le chapeau de paille sur ses cheveux blonds, le jardinier divin dans le jardin fleuri.

« Jésus dit : Marie ! Et Marie répondit : Rabboni, Maître ! » De l’appel « t de la réponse, la musique moderne a fait naturellement autre chose que la musique d’il y a trois cents ans. Celle-ci les avait traduits par un murmure ; elle les avait mêlés, coulés tous deux dans la douceur d’un même soupir. Elle avait fait mystique, et de part et d’autre tout immatérielle et divine, la rencontre de ces deux voix et de ces deux