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j’entends dire que sa modestie est d’apparence et que ses mérites sont exagérés. Mais j’aime don Lorenzo et j’admire sa musique. Et je crois qu’il est modeste sans affectation et qu’il a bien raison d’être content de ses travaux. »

Le portrait est ressemblant et le modèle nous a bien paru tel que le décrivait, il y a peu de mois, notre Vénitien. Depuis lors, la renommée de don Lorenzo s’est encore accrue ; mais, dans sa tenue ou ses discours, rien ne donne à penser que sa modestie ait diminué, ni même sa timidité. La Résurrection du Christ a été jouée à Rome devant un parterre de cardinaux ; à Milan, dans la vieille basilique de Saint-Ambroise, parmi les palmes et les fleurs. A vingt-cinq ans, le maître de la chapelle de Saint-Marc s’est vu nommer directeur de la chapelle Sixtine. On l’appelle partout et partout on l’acclame. Mais, aujourd’hui comme autrefois, simple, naturel et même naïf, il est toujours « l’enfant heureux. » Enfant sublime, ont dit et même crié trop haut ses compatriotes. C’est assez de dire : enfant inspiré ; mais cela du moins, il faut le dire. Les vingt-six ans de don Lorenzo en paraissent dix-huit. Il a moins l’aspect d’un prêtre que d’un séminariste. On voudrait le voir vêtu non pas de noir, mais de rouge ou de bleu, comme autrefois les écoliers des conservatoires italiens, comme ces petits moinillons dont fut le divin Pergolèse, et qui, les jours de promenade printanière, jetaient comme un ruban d’écarlate et d’azur au flanc des coteaux napolitains.

En regardant le jeune prêtre, en écoutant son œuvre, je songeais à l’idéal ancien et religieux de son pays, à tant de beautés éclatantes et suaves. Du fond des siècles italiens, de ce passé qu’on ignore ou qu’on oublie, surgissaient en foule de grands noms et de grandes figures sacrées. C’était le Marcello des Psaumes ; plus loin, c’était le Carissimi des cantates et des oratorios, de ce sublime Jephté, dont une lecture décida, paraît-il, de la vocation musicale du petit Renzo. Je pensais, et quelquefois, à certains accens, à certains cris, je sentais profondément que cet enfant était bien de leur race, qu’un peu de leur austère et doux génie renaissait et peut-être allait grandir en lui, et je le remerciais tout bas de nous apporter, avec de vieux souvenirs, une jeune espérance.

L’oratorio de Don Lorenzo Perosi se divise en deux parties très différentes : De la mort au sépulcre, et la Résurrection. La première, par la nature même du sujet, est exclusivement funèbre. Elle aurait pu l’être avec un peu plus de variété, de mouvement et de vie. Les prières, les regrets, les plaintes se suivent et se ressemblent. Trop de