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d’un criminel vagabond, ce cas se reproduira 90 fois sur 100.

Un exemple au hasard. Un individu fut arrêté à Lyon et condamné pour vagabondage. A l’expiration de sa peine, il fut remis en liberté ; le lendemain de son départ, on apprit qu’il s’agissait d’un individu recherché par le parquet d’une ville du Sud-Ouest, dont il avait fui la prison après avoir tué un gardien, et où il avait été condamné à mort par contumace.

Un autre exemple non moins caractéristique de la sécurité offerte aux criminels par le fait de leur détention dans les prisons est le cas déjà cité de Vacher, purgeant tranquillement à Baugé une condamnation à un mois d’emprisonnement pour coups et blessures, tandis que le parquet de la Flèche, arrondissement limitrophe, le recherchait, connaissant son état civil, pour l’attentat commis par lui sur Alphonsine Dérouet huit jours auparavant. Or, l’envoi pur et simple à la prison de Baugé, par le parquet de la Flèche, d’une note indiquant son nom, l’eût mis aussitôt sous la main de la justice. Et plus tard, lors de son arrestation à Champis, si le signalement venant de Belley n’était pas arrivé, par un hasard providentiel, dans le cabinet du juge d’instruction de Tournon au moment où Vacher s’y trouvait, le tueur de bergers, trois mois après, à l’expiration de sa peine, reprenait sa terrible marche, dont il marquait les étapes par du sang et des larmes, des souffrances matérielles et morales : le sang des victimes tombées sous ses coups, les larmes et les souffrances de leurs familles et des malheureux innocens injustement soupçonnés.

Dès lors, une nouvelle mesure s’impose, qui donnerait des résultats très appréciables au point de vue de la découverte des criminels en fuite : l’envoi, dans toutes les prisons, des signalemens des fugitifs et l’obligation pour les gardiens de consulter ces signalemens chaque fois qu’un détenu leur est amené. Le service central de l’identité judiciaire, qui rend d’immenses services en ce qui concerne les individus déjà mensurés, ne saurait suppléer aux recherches dans les prisons, puisqu’on ne peut lui envoyer la fiche anthropométrique du criminel en fuite.

Quelquefois aussi, les juges d’instruction sont aux prises avec de vrais casse-tête chinois imaginés par les vagabonds. On en a vu qui, pour se promener, pour quitter pendant un certain temps la maison centrale, écrivent au magistrat en s’accusant de crimes réellement commis dans son arrondissement, mais dont ils ne