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par l’effet de ce talisman que par le fait même de sa vie errante. Car il suffisait qu’il eût sur lui de quoi subsister pour que les gendarmes ne l’arrêtassent point pour vagabondage et, à cet égard, une poignée de menue monnaie lui était un préservatif plus sûr que son livret. D’ailleurs, dès l’instant où personne ne le prend sur le fait lorsqu’il assassine, pourquoi l’arrêterait-on ? Pour vagabondage ? Mais Vacher était rarement sans argent (pour s’en procurer, il avait recours, alternativement, au vol et à la mendicité). Il n’a été arrêté qu’une fois à Baugé : c’était pour coups et blessures.

Pour échapper, il lui suffisait de ne pas être surpris au moment où il tuait et d’avoir de bonnes jambes : or, beaucoup de vagabonds criminels sont, comme lui, admirablement taillés pour la marche. Ce qui a perdu Vacher, c’est l’excès du nombre de ses crimes. Écoutez plutôt :

Le 29 septembre 1890, c’est jour de fête à Varacieux (Isère). La petite Olympe Buisson, âgée de 9 ans, va rôder, vers 9 heures du soir, auprès des baraques foraines. Un inconnu l’attire avec des pralines renfermées dans un verre qui sera retrouvé auprès du petit cadavre. Dans une fête de cette nature, qui se préoccupe de cette enfant ? L’occasion sera propice pour un individu confondu dans la foule des gens étrangers au village et agissant dans la pénombre. L’assassin et sa victime passeront donc inaperçus, et deux heures plus tard on retrouvera le long d’un ravin escarpé le corps mutilé de la fillette. Celle-ci n’a pas eu le temps de crier, Vacher l’a étouffée préalablement, selon sa méthode habituelle : « Il étrangle sa victime, puis la saigne au cou, dit le professeur Lacassagne, dans cette partie du très remarquable rapport médico-légal des experts de l’affaire Vacher qui a trait aux crimes commis par ce condamné. La strangulation était produite avec les mains ou à l’aide d’un lien. Vacher connaissait très bien ce que dans l’argot des rouleurs on appelle « le coup du père François. » Une corde, un foulard, une ceinture, sont enroulés autour du cou de la victime, qui, saisie d’effroi et inanimée, est, à l’aide d’un lien, facilement chargée sur l’épaule de l’agresseur. Ces procédés de strangulation empêchent la victime de crier, peuvent déterminer une syncope et même la mort. En immobilisant la victime étranglée, ils permettent toutes les violences, et surtout l’égorgement. »

Le crime une fois découvert, sur qui vont se porter les