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III

C’est un principe chez les vagabonds de passer l’hiver dans les départemens connus par la douceur de leur climat, et de se remettre en marche aux approches du printemps pour regagner les régions moins chaudes. Ils imitent en cela les oiseaux migrateurs, à tel point que le mouvement de la population errante concorde presque dans chaque pays avec l’arrivée des oiseaux de passage. Tout le midi de la France et les côtes de la Bretagne les attirent surtout pendant l’hiver, tandis qu’aux approches de la belle saison, on les voit s’acheminer vers le nord de la France, encombrant les grandes voies de communication. Faut-il attribuer au seul souci de se soustraire à la rigueur des saisons ces régulières migrations ? Sans doute beaucoup obéissent à cette préoccupation. Mais le double mouvement annuel de la marche sur le Nord et de la contremarche vers le Midi est, pour un grand nombre, causé par un tout autre souci : celui de trouver du travail. Les premières récoltes ayant lieu dans le Midi, les vagabonds ont l’espoir d’y être employés de très bonne heure, et, alors que les hivers rigoureux ou les printemps tardifs interdisent encore les travaux des champs dans les régions montagneuses et dans les pays du Nord, le ciel du Midi leur est plus clément et les populations plus hospitalières. Ils commencent donc par les travaux de la fenaison dans la Camargue et, s’acheminant peu à peu vers le Nord, les uns en remontant la vallée du Rhône, les autres en passant par l’Auvergne et le Bourbonnais, ils se dirigent sur Paris, ensuite sur les Flandres où les attirent les usines et la culture des betteraves, puis sur la Normandie où ils sont le mieux rétribués, disent-ils ; après quoi, la Beauce avec ses moissons les sollicitera. Enfin ils reviendront, pour la saison des vendanges, vers le Midi, alléchés par le facile travail de la cueillette des raisins, l’appât du vin à très bon marché, d’autant plus qu’à la vendange succédera dans les régions voisines, en octobre, la récolte des châtaignes, suivie de celle des olives en Provence. Ceux qui hivernent en Bretagne vont plus spécialement peupler en été la Normandie, le département de la Seine et les pays voisins. Enfin un courant s’établit entre la Bretagne et le Sud-Ouest, par les Charentes, vers Lourdes, centre d’attraction.

Cette instabilité continuelle des « roulans » est-elle le fait de