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cela tient à deux causes. La première réside dans la difficulté de saisir le mendiant en flagrant délit de mendicité, alors qu’il est beaucoup plus aisé de constater qu’un homme est en état de vagabondage, grâce à la facilité de contrôler le point de savoir s’il a un domicile fixe, des moyens d’existence, et s’il exerce réellement une profession. La deuxième cause tient à ce que les agens, se conformant en cela à la loi, n’arrêtent point les infirmes, dans les très nombreux arrondissemens où n’existent point de dépôts de mendicité.

Il est à remarquer que les vagabonds sont principalement d’anciens artisans n’exerçant plus leur profession d’origine, soit qu’ils éprouvent réellement certaines difficultés à se procurer du travail, soit que leur tempérament ne s’accommode point de la discipline de l’atelier, soit que la paresse et le désordre les conduisent à la vie errante, soit qu’une infirmité temporaire les ayant éloignés momentanément de leur travail, l’oisiveté s’empare ensuite d’eux et les jette sur les grands chemins, soit enfin, — et cette classe est intéressante, — qu’il s’agisse d’invalides du travail, victimes des maladies ou des accidens.

On voit défiler devant les tribunaux des gens appartenant à toutes les catégories ; mais on peut affirmer que les travailleurs des champs ne fournissent, directement, qu’un contingent insignifiant à l’armée des vagabonds. Si un certain nombre d’entre eux vient grossir ses rangs, ce n’est qu’après avoir fait un stage dans les villes, d’où les chassent ensuite les misères imprévues d’une existence qu’ils avaient crue exempte de difficultés. De ce que les prévenus, en effet, établissent qu’ils ont fait quelques journées, de-ci de-là, dans une exploitation rurale, il ne faudrait point en inférer qu’ils appartiennent à la classe des cultivateurs. C’est la nécessité de l’heure présente qui a fait d’eux des journaliers d’occasion, mais leur profession d’origine est généralement de celles qui s’exercent en ville.

Sur les bulletins numéro 2 du casier judiciaire des vagabonds s’étalent presque toujours de nombreuses condamnations. Le plus souvent le vagabondage y est inscrit entre le vol et la mendicité, avec l’escroquerie et l’abus de confiance. Plus rares sont les exemples de bulletins où alternent en longues kyrielles les mots « vagabondage et mendicité : » très fréquemment quelque condamnation pour coups et blessures, rébellion, outrages aux agens, filouterie d’alimens, attentats aux mœurs, vient en rompre la