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les légations et à recommander au Pape les réformes que déjà la France et l’Autriche lui avaient, de compte à demi, conseillées en 1832. Il ne refusait pas de renouer les relations avec le Piémont, pour peu que le cabinet de Turin, qui avait fait surgir la crise, témoignât de ses sentimens pacifiques en désarmant. À cette condition, mais à cette condition seulement, l’Autriche pourrait renoncer à ses traités secrets et inviter ses alliés, le roi de Naples, le grand-duc de Toscane, et les ducs de Parme et de Modène, à procéder à des réformes. Le comte Buol n’admettait pas d’ailleurs que les États italiens fussent aussi mal gouvernés qu’on le prétendait au-delà du Tessin ; d’après lui, des institutions libérales ne se conciliaient guère avec l’esprit et le tempérament italiens. En somme, le cabinet de Vienne s’était montré disposé à entrer en pourparlers avec le cabinet des Tuileries par l’entremise de l’Angleterre ; c’était l’essentiel.

L’opinion apprit avec satisfaction les bonnes impressions que lord Cowley rapportait de son voyage. Mais Napoléon III, s’il faut en croire un de ses familiers, parut irrité de « la lâcheté générale, en voyant les esprits se rasséréner et la Bourse remonter sur la foi du succès des négociations ouvertes à Vienne. » — « On est à la paix depuis vingt-quatre heures, écrivait Prosper Mérimée à Panizzi, ce qui rend très probable que demain on sera belliqueux. Ce qu’il y a de certain, c’est que les descendans de Brennus ne sont guère d’humeur à prendre le Capitole, n’y eût-il que les anciennes ennemies, les oies, pour le garder. On est d’une poltronnerie incroyable, on ne pense qu’à l’effet que la guerre peut produire sur les fonds et les chemins de fer ; il va sans dire crue la gloire italienne, c’est à quoi personne ne songe ; l’Empereur se montre assez touché de la lâcheté générale ; il nous dit notre fait en termes assez crus, et, ma foi, nous le méritons bien. L’armée, heureusement, est dans de meilleures dispositions. Tous les officiers voudraient être à l’avant-garde pour être des premiers à manger du macaroni. On dit que du côté des Autrichiens il y a aussi beaucoup d’ardeur belliqueuse, et, ce qui est fâcheux, toute l’Allemagne reprend les colères de 1813, sauf peut-être les socialistes, qui sont des alliés dont nous nous passerions bien. Je crois que l’Empereur veut la guerre, mais qu’il n’est pas pressé de la faire. Il espère que la paix armée ruinera l’Autriche et qu’il trouvera moyen de s’assurer la neutralité de la Prusse et de l’Angleterre. Y parviendra-t-il ? Notre mauvaise réputation de conquérans rend notre