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lettre datée du 1er mars, est entièrement dans les mains de l’Autriche. Si on laisse partir lord Cowley sans mettre dans son bagage des élémens réels de négociation, il ne dépendra plus d’elle de déterminer le concours des événemens, et elle reconnaîtra, trop tard peut-être, la faute qu’elle aura commise. D’ailleurs, il ne faudrait pas s’y tromper à Vienne, si lord Cowley partait mécontent, l’attitude de l’Angleterre s’en ressentirait et son action, si modératrice jusqu’à présent, perdrait son efficacité.

« Le Piémont, ou plutôt M. de Cavour, s’agite ; son emprunt a manqué ; il comprend fort bien la portée des négociations engagées avec le comte de Buol ; l’évacuation des États romains l’inquiète, car elle n’est pas dans son programme ; tout cela le trouble. Il prétend que deux nouvelles divisions viennent renforcer l’armée autrichienne en Lombardie, qui va être placée sous le commandement du général Hess. Il veut appeler les contingens et provoquer une crise. Mais si, à Vienne, on apprécie avec exactitude la situation, le comte de Cavour s’agitera dans le vide et il finira peut-être par être la victime de toutes ses folles conceptions.

« Dites à lord Cowley qu’il porte de grands intérêts dans les plis de sa toge, et que, quelles que soient les apparences, il peut être certain que, si sa mission aboutit à un résultat satisfaisant, il aura assuré la paix de l’Europe. »

En même temps, à la date du 2 mars, le comte Walewski, pour empêcher que M. de Cavour, par un coup de tête, ne se jetât à la traverse des négociations poursuivies à Vienne, chargeait le prince de la Tour d’Auvergne de ne pas lui laisser ignorer que, s’il faisait surgir des prétextes de guerre, il pouvait être certain que l’Empereur ne lui viendrait pas en aide. « Qu’il ne se fasse aucune illusion ; si, malgré nos avertissemens, il persistait dans ses provocations, il aurait à s’en prendre à lui-même des conséquences. Il est bien nécessaire que la responsabilité de l’Empereur et celle de son gouvernement soient dégagées. Nigra est ici depuis trois jours. Je ne l’ai pas vu. Je sais à peu près tout ce qu’il a dit et tout ce qu’on lui a dit. Tenez pour certain que tout ce qu’on lui a dit n’est pas de nature à infirmer tout ce que je vous écris.

« J’ai vu une note secrètement remise aux Tuileries, énonçant les inquiétudes qu’on ressent à Turin sur l’augmentation de l’armée autrichienne et sur la possibilité d’une attaque inopinée des Autrichiens. Dans cette note, on parle de précautions à prendre, de l’appel des contingens, etc., etc. J’ai dit à l’Empereur que