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que, si l’Autriche ne procédait pas dans ses provinces à d’indispensables réformes, elle n’échapperait pas à la guerre. Les réformes étaient le cheval de bataille des ministres anglais ; ils les croyaient suffisantes à résoudre le problème italien.

« Agissez à Turin, répondait-on à Vienne, car il n’y a pas de question italienne, il n’y a qu’une ambition piémontaise. » M. de Cavour, au contraire, renvoyait la diplomatie britannique au comte Buol : « Ramenez-le, disait-il, à cesser de nous menacer, à déchirer ses traités secrets avec Naples, Parme, Modène, Florence et Rome ; faites-lui comprendre que l’Italie veut être libre et indépendante, et vous aurez assuré la paix. » A Pétersbourg, on escomptait la vengeance. « Si nous désirons la paix, disait le prince Gortchakof à sir John Crampton qui lui demandait d’unir ses efforts à ceux de l’Angleterre, nous ne pouvons pas peser au même poids la France et l’Autriche ; avec l’une nos relations sont cordiales, elles sont loin de l’être avec la seconde. Autrefois nous offrions volontiers nos bons offices, mais, notre politique n’y ayant pas trouvé son compte, nous n’avons plus de conseils à donner. Nous nous réservons toute notre liberté d’action. »

A Berlin, on cédait à de secrètes convoitises, on spéculait à la fois sur la défaite de l’Autriche et sur celle de la France, pour s’arrondir à leurs dépens, suivant les circonstances. C’est encore à Paris que les exhortations du ministère anglais étaient, en apparence, le mieux accueillies. L’Empereur, soit qu’il ne fût pas prêt, soit qu’il ne fût pas rassuré sur l’attitude éventuelle de la Prusse et de la Russie, ou qu’il ne jugeât pas l’opinion de la France et de l’Europe au diapason voulu, se montrait accommodant dans ses entretiens avec lord Cowley, et, lorsque celui-ci l’informa que son gouvernement songeait à s’interposer officieusement, il en parut enchanté. Il tenait à ménager l’Angleterre, à gagner du temps, à paraître subir la guerre ; la médiation anglaise, loin de le contrarier, servait ses desseins.

Se constituer l’intermédiaire entre la France et l’Autriche, qui ne pouvaient sur des questions aussi brûlantes entrer en explications directes, leur offrir ses bons offices pour les rapprocher et leur ménager une entente, telle était la tâche épineuse que le ministère Derby allait entreprendre. Son intention était louable, mais, au lieu de secourir l’Autriche, il lui rendait un mauvais service. L’Autriche était prête, ses adversaires ne l’étaient pas ; on arrêtait son bras intempestivement au moment où sans grands