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du premier coup reconnaître, et l’on passait facilement sur les différences. Assurément les fils de famille y étaient tenus plus sévèrement qu’en Grèce, et respectaient davantage la patria potestas. Cependant il devait bien s’en trouver quelques-uns qui entretenaient des maîtresses, faisaient des dettes et trompaient leurs parens ; c’était bien assez pour que le public pût comprendre les jeunes débauchés d’Athènes. Sans doute aussi les Romains n’étaient pas tendres à leurs esclaves, et il y avait de quoi les surprendre, de voir que les Grecs leur témoignaient parfois tant d’égards. Cependant tous n’étaient pas aussi durs que Caton, et l’on citait des maisons où c’était vraiment l’esclave qui était le maître. D’ailleurs, quand Plante craint qu’on ne soit trop scandalisé des libertés qu’il leur laisse prendre, il en est quitte pour leur faire dire : « Songez que nous sommes à Athènes, et que ces choses-là nous y sont permises ; » ce qui prouve que le public avait oublié qu’on n’était plus à Rome. Je ne vois qu’un seul de ces personnages dont il était difficile de trouver l’analogue chez les Romains ; c’est le capitan, c’est-à-dire l’officier de fortune, qui levait une compagnie parmi les gens sans aveu, Fallait mettre à la solde de quelque roitelet d’Asie, puis revenait dépenser à Athènes, dans la société des parasites et des courtisanes, ce qu’il avait gagné. Rome ne connaissait pas ces sortes de soldats mercenaires, et c’est peut-être parce que les poètes, qui les mettaient sur la scène, n’avaient pas l’original sous les yeux, et qu’ils travaillaient de fantaisie, qu’ils sont allés à l’extrême, et qu’au lieu d’un portrait, ils font si souvent une caricature. Mais même ici je vais trop loin, quand je dis qu’il n’y avait rien, chez les Romains, qui pût leur faire comprendre les Thrason et les Pyrgopolinice. N’y pouvait-on pas trouver, en cherchant bien, quelques centurions vantards, qui, au retour d’une campagne d’Afrique, faisaient sonner leurs exploits et les racontaient volontiers devant un auditoire de dames ? C’étaient sans doute de légers travers, mais qui rendaient moins invraisemblables les ridicules énormes des autres.

Ainsi, il y avait dans les personnages de la comédie grecque assez de vérité générale et humaine pour qu’ils ne parussent pas tout à fait étrangers sur la scène de Rome, et, même si Plaute s’était contenté de les reproduire exactement, on les aurait reconnus et l’on se serait amusé de leurs aventures.

Mais il a fait davantage : tout en conservant le fond du caractère, par une foule de modifications de détail, il les a rendus