Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volontaires inscrits. Mais nous savons aussi que, pour tout ce personnel, les cadres sont faibles et les officiers peu nombreux.

Or, à l’heure actuelle, le soldat quelque brave qu’il soit, lorsqu’il est insuffisamment encadré et peu conduit, est voué à la destruction certaine en quelques instans. Ni les cadres, ni les officiers ne s’improvisent, et ce n’est pas en six mois qu’ils se forment.

Tout calcul fait, une force de 160 000 hommes, jetée en Angleterre, paraîtrait, en ce moment, suffisante pour vaincre la résistance. En lançant 170 000 hommes, une perte de 10 000 serait prévue pour le passage.

On est en droit de penser que même avec des circonstances défavorables, on n’en perdrait pas 6 000. Le tir de l’artillerie des vaisseaux est si mauvais la nuit, que les coups de hasard seuls sont à prévoir. D’autre part, nous avons vu que les torpilles portées par les péniches les préserveraient du coup d’éperon.

Cette perte prévue de 10 000 hommes ne doit point paraître excessive. Elle serait très inférieure à celle subie dans une bataille par une armée de cet effectif.

D’ailleurs, en fixant à 1 500 le nombre des péniches, le calcul a été large. Il permettrait, en ajoutant 15 ou 20 hommes d’infanterie par bateau, de transporter 20 ou 30 000 hommes de plus, si les nouvelles formations anglaises paraissaient rendre utile ce renforcement.


En résumé, il est nécessaire que les derniers événemens nous servent d’avertissement.

Soit que les Anglais aient résolu de nous faire la guerre au printemps, soit qu’ils se décident à revenir à de meilleurs sentimens, il faut, sans tarder, nous occuper de la contre-offensive par la construction de la flottille. Il faut insister sur ce fait, que les 150 millions à prélever dans ce dessein sur les 800 millions du programme naval nous donneraient seulement cinq cuirassés d’escadre, bientôt démodés ; tandis que la flottille des péniches, quels que soient les progrès de la science, gardera toujours toute sa valeur. Sa puissance offensive repose en effet sur ce principe, qui, vrai du temps de César, l’est encore aujourd’hui et le sera demain, à savoir : La mise à terre sans transbordement des équipages, exécutée simultanément par un très grand nombre de petites unités, autonomes et interchangeables.