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anglaises. Le petit corps français débarque à Killala, et bat à Castelbar un corps de 6 000 Anglais. L’Angleterre, qui d’abord a traité par le mépris ce simple détachement, envoie Cornwallis avec 20 000 hommes contre les 900 hommes dont dispose alors Humbert, soutenu par 1 500 Irlandais. La partie était trop inégale. La troupe d’Humbert, complètement entourée, doit se rendre. Un millier de Français a néanmoins tenu la campagne pendant dix-sept jours et parcouru 250 kilomètres au milieu de forces anglaises très supérieures.

Ces dernières expéditions, mal préparées, encore plus mal organisées, ne pouvaient pas réussir.

Il appartenait à Bonaparte, Premier Consul, de prendre des dispositions précises, complètes, réunissant toutes les chances de succès, autant que les entreprises humaines en sont susceptibles.

L’idée maîtresse de son organisation réside dans la création d’un matériel spécial. Cette condition devient essentielle à l’assaillant, s’il n’est pas maître de la mer. Un tel matériel donne à l’attaque une puissance qui lui permet de compter sur le succès, quelles que soient les forces navales dont l’adversaire peut disposer. Il consiste en une flottille de péniches à faible tirant d’eau, pouvant s’échouer à marée haute et, par conséquent, permettant l’atterrissage très rapide et simultané d’un très grand nombre de combattans sans qu’il soit besoin de les transborder sur des embarcations auxiliaires.

Le Premier Consul mit tous ses soins à l’organisation de cette flottille. Le 9 prairial an XI (29 mai 1802), il envoie au ministre de la Marine une note dans laquelle il lui dit : « Il faudrait adopter un modèle de bateau plat qui pût transporter 100 hommes et traverser le canal (le Pas-de-Calais). On aurait un obusier à la poupe et à la proue. Il faudrait que ce bateau ne coûtât pas plus de 4 à 5 000 francs. Un grand nombre de particuliers et de corps voulant fournir à leurs frais de ces bateaux, il faudrait en avoir des modèles et en mettre tout de suite en construction à Paris. Il faudrait parler aux citoyens Cambacérès, Lebrun, Talleyrand, pour trouver des individus qui feraient construire, chacun à leurs frais, un bateau qui porterait leur nom. » Le Premier Consul revient souvent dans sa correspondance sur les facilités à donner à l’initiative et à la générosité privées pour la construction des bateaux de la flottille.