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les hommes, ni les officiers hors de combat, tandis que, dans les batteries à terre, les ressources en personnel vont en grandissant d’heure en heure. Si l’attaque se produit sur un port de guerre bien armé, elle n’a, pour ainsi dire, aucune chance de succès. S’il s’agit simplement d’une ville commerciale défendue par quelques batteries, il est clair que les ouvrages en seront plus faibles et l’armement moins important. Dès lors, la flotte ennemie risquera moins sans doute, mais elle risquera encore beaucoup, et si, par extraordinaire, elle réussit, son succès sera de bien peu d’importance, et ne pèsera guère dans le résultat final. En général, on peut affirmer l’inopportunité d’une pareille opération, d’autant plus que, presque toujours, elle aboutira à un échec.

Le bombardement d’une ville ouverte a principalement un caractère d’intimidation. Or, il n’y a pas lieu de se laisser alarmer par la perspective des dangers auxquels une pareille opération peut exposer la ville qui en est l’objet. Rien ne saurait justifier de telles alarmes.

Prenons Marseille avec ses 37 000 maisons. Supposons une escadre envoyant 6 000 obus de grosse et de moyenne artillerie. C’est là un effort si considérable, qu’on peut mettre en doute qu’il soit jamais réalisé. Admettons que, pour 6 projectiles tirés, il y en ait un qui frappe une maison, et c’est là une énorme exagération. Sur cette proportion, un projectile sur 10 seulement bouleversera la maison qu’il aura atteinte. L’effet total produit sera donc la destruction de 1/370 de la ville ou moins de 3 maisons sur mille. Il n’y a donc pas là un sujet d’inquiétude grave, et, pour arriver à un si piètre résultat, l’adversaire risquerait la perte de navires valant plusieurs millions.

Une escadre, après avoir accompli cette pauvre besogne, sera obligée de se ravitailler en munitions, ce qui demandera un certain temps. Or, les intervalles entre les bombardemens diminuent la seule valeur qu’ils aient réellement, celle que leur donne l’imagination.

Enfin, comme les approvisionnemens en munitions ne s’improvisent pas, si nous admettons que les Anglais disposent de cinq approvisionnemens de 120 coups environ chacun, par bouche à feu, on voit que leur artillerie se trouverait vite à court. Les ruines matérielles seront beaucoup moins importantes qu’on ne le suppose généralement.

Le général Borgnis-Desbordes conclut ainsi : « Le