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I

Si l’on tient compte de ce fait qu’en Angleterre la presse quotidienne et les grandes Revues périodiques représentent généralement les opinions des principales associations politiques ou commerciales, on est forcé de reconnaître que depuis 1888, c’est-à-dire depuis plus de dix ans, les hommes d’Etat qui, en Angleterre, sont à la tête de ces associations, ont prévu et jugé nécessaire un conflit avec la France. Notre conquête de l’Indo-Chine, en marquant le retour de notre pays à son ancien rôle de grande puissance maritime et coloniale, nous mettait obligatoirement en opposition d’intérêts avec les Anglais. C’est alors que fut promulgué le premier Bill de l’Impérial Defense Act comportant l’allocation à la marine d’un milliard 200 millions à dépenser d’après un plan méthodique, pour des constructions nouvelles de navires de combat.

En même temps, s’organisaient et s’armaient, sur toutes les routes maritimes, des bases de ravitaillement et des dépôts de charbon.

En mai 1898, le programme était presque complètement rempli, et, dès cette date, l’Amirauté anglaise disposait de 180 navires de combat, portant 2 250 canons de gros et de moyen calibre avec 3350 canons de petit calibre. En outre, 185 torpilleurs ou contre-torpilleurs complétaient cette puissante armée navale. A partir de cette époque, le ton de la presse, jusqu’alors amical, car il était essentiel de nous endormir, devient hostile.

Les discours agressifs des hommes politiques importans commencent à travailler l’opinion publique pour lui faire admettre la nécessité du conflit.

Cette éventualité est envisagée d’un point de vue essentiellement commercial. C’est, en quelque sorte, une opération financière dans laquelle les risques sont calculés au plus près. Pour comprendre la manière dont les hommes d’Etat, les gens de la Cité, directeurs des grands courans commerciaux, les gens d’affaires, et maintenant la masse du public anglais, traitent cette question, il est nécessaire d’attirer l’attention sur un fait insuffisamment connu : la décroissance commerciale, régulière et progressive, de l’Angleterre.