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la guerre » qu’est consacré presque tout le premier chapitre, qui sert d’introduction à l’ouvrage et qui en contient ou qui en résume la philosophie. Nous ne pouvons ici suivre l’auteur dans le détail de sa démonstration ; il nous suffit de répéter que le trait dominant, celui qui ressort par-dessus tout autre, c’est le sens positif et pratique des dures fatalités de la guerre, et je ne dirai pas le pessimisme, mais tout au moins l’absence complète d’optimisme, chez les Anglais, quant au présent et quant à l’avenir.

La guerre, ils le savent bien, sera toujours la guerre ; en d’autres termes, elle consistera toujours dans « le recours par un État à la violence pour contraindre un autre État à cédera sa volonté. » Du moins, on peut, — et, par cela seul qu’on le peut, on le doit, — n’en point inutilement augmenter les horreurs. Et c’est de ce point de vue qu’on a critiqué et réfuté en Angleterre les idées émises, il y a une quinzaine d’années en France, et dans cette Revue même[1], par l’amiral Aube, pour ce qui est notamment de « la guerre au littoral. » Cependant, en disant : « on a critiqué, » nous forçons un peu l’expression : les jurisconsultes, en effet, ont été unanimes dans leur réprobation, mais il n’en fut point de même des militaires. « Tout l’art de la guerre, écrivait alors un officier de la marine royale, consiste à frapper les points les plus faibles de l’ennemi où qu’ils soient et quels qu’ils soient ; il n’y a plus place pour le sentiment, dès que la guerre commence. Je dis fermement et ouvertement que, si un officier peut faire du mal à l’ennemi et produire la panique et la démoralisation en pays ennemi, il aurait tort d’hésiter un instant à rançonner ou à bombarder une ville du littoral, lorsque l’occasion s’offre à lui de le faire. » Or, vainement, par le progrès des temps, il s’est constitué un droit de la guerre ; si ce sont les jurisconsultes qui en dissertent, ce sont les militaires qui la font.

Voilà une vérité d’évidence dont il est peut-être prudent de se pénétrer, quand on prend garde que l’officier de marine qui signait en 1888 la page ci-dessus rapportée s’appelle, je crois, lord Charles Beresford. — Il y a dans le livre de M. Ch. Dupuis pas mal d’enseignemens non moins modestes, mais aussi salutaires ; et c’est pourquoi il faut le remercier de nous l’avoir donné. — C. B.


Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE.

  1. Voyez, dans la Revue du 15 mars 1882, l’étude de M. l’amiral Aube sur la Guerre maritime et les Ports militaires de la France.