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il y faudra mettre de certaines bornes. » Il l’engageait aussi à trouver quelque occasion d’exprimer, en présence des généraux et de tous les officiers de la garnison de Berlin, son sincère repentir : « Le prince pourrait finir en levant les deux doigts et disant : « Moi, Frédéric de Prusse, je jure au Dieu tout-puissant que je demeurerai jusqu’à ma mort fidèle à mon roi, seigneur et père, aussi vrai que Dieu puisse m’assister par l’intermédiaire de Jésus-Christ ! » Il terminait son prêche en ces termes : « Toute la récompense que je demande au Prince royal de ces avis désintéressés, c’est de me croire fidèle serviteur du Roi et par conséquent le sien, et qu’en cas que de méchantes gens lui voudront donner de sinistres idées de moi, de n’y pas ajouter foi, avant de m’avoir écouté. Pour le reste, je ne mets ma confiance qu’en Dieu. »

Croirons-nous que Frédéric n’ajoutât jamais foi aux méchantes gens qui voulaient lui donner de sinistres idées de Grumbkow, qu’il tînt sa parole pour de l’argent en barres ? A la vérité, il lui prodigue dans sa correspondance les flatteries, les caresses, les protestations de dévouement et de gratitude, il l’assure qu’il est cordialement à lui, qu’il lui découvre ses vrais sentimens comme il les confesserait à Dieu le Père : « Je sais que vous êtes un peu soupçonneux ; c’est pourquoi je vous préviens et je vous prie de croire que, quand je vous dis que je vous aime de tout mon cœur, c’est bien sincèrement et avec bien de l’estime, étant, mon cher ami, votre parfait, constant, fidèle ami et serviteur. »

Tout porte à penser qu’il se défiait beaucoup de son nouvel ami, qu’il ne faisait aucun fond sur le caractère et la sincérité de cet homme taré ; mais il ne tenait qu’au maréchal d’adoucir ou d’aggraver son malheur, il ne pouvait se passer de ses bons offices, et nécessité n’a pas de loi. Frédéric-Guillaume ne lançait plus la foudre, mais on entendait gronder sourdement son tonnerre ; il disait et répétait qu’avant peu son incorrigible fils lui ferait quelque trait. Frédéric ne pouvait douter que toutes ses actions, toutes ses démarches ne fussent surveillées, épiées, éclairées, que ses moindres propos ne fussent colportés et commentés, qu’il n’y eût dans son entourage « de bons gazetiers, » des faiseurs de paquets. Il savait « qu’on débitait beaucoup de nouvelles sur son compte, qu’il y avait jusqu’en Poméranie des personnes médisantes, qui se permettaient de raisonner sur son chapitre, » et que toutes les noirceurs qu’on pouvait dire contre lui trouvaient facilement créance dans l’esprit prévenu de son tendre père : « J’ai reçu des lettres d’un ami qui me marque que le Roi, ayant la