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forment surtout aux écritures et à la comptabilité, 2 588 élèves[1] : c’est le dixième de ceux que l’Allemagne instruit. La science, de plus en plus nécessaire à l’industrie, n’est pas davantage enseignée de manière à rendre les meilleurs services à sa compagne. Nos hautes écoles s’honorent de donner une culture intensive et générale qui semble prévoir en chaque étudiant un futur grand homme, et, s’il l’est, développe toute sa valeur, mais qui ne forme pas les hommes moyens, — et ils le sont presque tous, — aux applications spéciales et précises. Nos écoles d’arts et métiers sont trop élémentaires pour fournir ces spécialistes que nos fabriques et nos laboratoires attendent. Aussi, plus les industries sont nouvelles et leurs découvertes en marche, plus nous nous laisserons distancer : l’électricité et ses applications semblent appartenir à la Belgique et à la Suisse, la chimie et ses produits à l’Allemagne. Surprise par les supériorités de ses rivaux, la France n’a pas songé, comme l’Angleterre, à se défendre partout, mais à se réserver un marché où elle l’emportât sans lutte. Elle a seulement, par des droits fiscaux, voulu interdire aux produits de ses concurrens l’accès de son territoire, comme si elle eût reconnu d’avance son inaptitude à disputer aux nouveaux travailleurs la clientèle étrangère ; comme s’il lui fallait, pour prolonger le déclin de ses forces, les mêmes protections, mais définitives, que l’Amérique a établies, passagères comme l’âge ingrat, pour transformer son enfance en jeunesse. Nos commerçans ont continué à fabriquer en France, d’où la plupart ne sont jamais sortis, des marchandises selon leur propre goût, adonner à leur travail tout le fini qu’exige la clientèle riche et exigeante de notre pays, à considérer que la perfection de leur œuvre est une partie de leur honneur, à exiger les prix élevés que cette perfection justifie.

Ils n’ont songé à la clientèle d’Orient que pour envoyer tel quel aux Turcs l’excédent de ces marchandises fabriquées pour la France, mesurées, nombrées, expédiées, vendues, emballées selon les coutumes françaises. Ils ont pourtant moins que jamais dans les Echelles, pour en assurer le débit, des colonies importantes de nationaux. Au lieu de s’accroître, ces colonies diminuent : celle de Constantinople, qui a compté 7 000 âmes, est réduite à 2 000. Ils ne sont pas plus qu’autrefois présens dans ces contrées par des auxiliaires capables de les renseigner sur les besoins de l’acheteur,

  1. Budget de 1898, Ministère des Travaux publics. Rapport de M. Charles-Roux.