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sous la bannière de France. » La part de chacun fut ainsi réglée en 1604 par la cinquième capitulation. Mais, parmi ces commerces étrangers, celui des Hollandais prit une telle importance que notre droit exercé contre eux n’était pas conforme à la nature des choses. Il fut encore vaincu par elle, et la Hollande, après l’Angleterre et Venise, obtint des Turcs la liberté du trafic. Au XVIIIe siècle, l’Autriche, la Russie, la Suède, l’Espagne négocièrent avec la Porte des traités commerciaux qui restreignaient notre part. Donc, même sous l’ancien régime, notre commerce n’avait pas en Turquie de monopole. Il avait une situation privilégiée, subordonnée toujours par les Turcs à leurs intérêts propres, variable selon nos rapports politiques, et qui nous assurait sans conteste la première place.

La perte de nos colonies, la destruction de nos flottes, le poids de notre dette publique, affaiblit partout la France de la Révolution et de l’Empire, au moment où, plus importante que nos bouleversemens politiques, la révolution de l’industrie préparait le véritable empire à la richesse. Héritière universelle de la richesse perdue par les autres peuples, reine désormais incontestée des mers et des ports, l’Angleterre acheva de transformer à son profit le travail : aux idées de protection économique et de privilèges commerciaux elle substitua une tendance à l’égalité de traitement entre les nations et au libre-échange entre les peuples. Dès lors, et durant la plus grande partie du siècle, le marché du monde fut gouverné par des lois simples et des habitudes constantes. Dans toutes les contrées, la nature offrait des matières premières, mais en fort peu de pays l’art du travail était assez parfait pour tirer de ces matières l’innombrable variété de combinaisons, de formes et d’usages que la grande industrie doit produire et que le commerce doit mettre à la disposition de tous. De l’Afrique les rivages seuls étaient bien connus, la race noire qui occupait l’intérieur du continent n’en livrait pas le mystère, et la vie de tribu, où ces populations demeuraient isolées, ne leur avait enseigné que des œuvres grossières, des rudimens de métiers. En Asie, des races très anciennes, prisonnières d’une civilisation immuable et pauvre en besoins, poussaient jusqu’à une perfection raffinée l’habileté de main, mais ignoraient et ne voulaient pas apprendre les moyens qui rendent la production abondante et rapide. Si l’Amérique, peuplée par les émigrations qui avaient porté dans le nouveau monde toutes les races du monde