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notre éloquence politique, et que ce trait, ce n’est guère qu’à partir de 1840 qu’on le voit distinctement apparaître.

III

À la grande école oratoire de 1830, procédant par idées générales, partant des idées générales et daignant descendre aux faits en discussion comme à des détails d’application, on peut, si l’on veut, rattacher Lamartine ; mais un bon « rhéteur, » faisant consciencieusement œuvre d’inutile rhétorique, devrait ne pas s’y tromper et établir une distinction qui est essentielle. Lamartine ne descend pas de l’idée générale au fait particulier ; il remonte du fait particulier à l’idée générale. C’est qu’il est homme d’imagination, non d’abstraction et de dialectique. D’abord se présente à lui l’impression qu’il a à propos d’un fait, puis cette impression devient une idée, puis cette idée s’étend, s’amplifie, se déploie jusqu’à pouvoir embrasser et à embrasser en effet toute une période de l’histoire de France. C’est la généralisation poétique, c’est le procédé d’élargissement y si connu, et du reste si beau souvent, que l’on observe dans les odes et de Lamartine et de Victor Hugo. Voyez le discours de Lamartine sur le projet de loi de Régence (1842) après la mort du Duc d’Orléans. Il s’agit, ou de réserver, en cas de mort du Roi, la régence à la Duchesse d’Orléans, ou de la réserver au prince le plus proche du trône dans l’ordre de succession établi par la Charte. Lamartine est du premier avis, et je crois qu’il avait raison. Mais voyez, d’abord, combien son argumentation est d’une logique douteuse, ensuite comme il s’empresse de plonger, pour ainsi parler, la question particulière dans une question infiniment générale où son éloquence aura tout son jeu et pourra avoir toute son ampleur.

Il commence par dire qu’il « ne conteste pas la nécessité de donner de la force à la dynastie. » Mais il« affirme qu’à ses yeux, il y a plus de force dans une régence de femme avec un enfant, se livrant aux pouvoirs nationaux avec confiance, que dans la régence d’un prince jeune, actif, militaire... » — Et puis il reproche à ceux qui veulent réserver la régence à un prince de tout sacrifier à la « force dynastique, » de tout faire pour elle , de « nous jeter trop loin dans le régime de force dynastique. »

D’abord il y a contradiction ; et, « s’il y a plus de force dans une régence de femme que dans une régence de prince, » c’est