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de fortifier, annule en partie Port-Arthur, le premier est presque en face du second, à une centaine de kilomètres seulement, et n’est guère plus éloigné de l’embouchure du Peï-Ho ; la supériorité que l’escadre britannique aura nécessairement pendant de bien longues années sur l’escadre russe, dans les murs de Chine comme ailleurs, lui permettra, avec ce point d’appui, d’interdire qu’aucune aide soit portée par mer, si courte que soit la traversée, aux troupes russes qui pourraient opérer par terre dans le nord de la Chine ; il leur sera même aisé, par un rapide coup de main, de couper le chemin de fer entre Tien-Tsin et la Grande Muraille.

Malgré tous ces avantages, l’insatiable public anglais ne s’est pas déclaré satisfait : la presse s’est plainte de ce que le gouvernement eût reconnu à l’Allemagne une sorte de situation privilégiée dans le Chan-toung, eût promis de ne pas porter atteinte à ses droits dans cette province, de ne pas bâtir de chemin de fer partant de Weï-haï-Weï, de considérer cette place comme une sorte de Gibraltar d’Extrême-Orient, sans prétentions commerciales : on admettait ainsi la formation d’une sorte de « sphère d’intérêts » germanique en contradiction avec la politique de « la porte ouverte. » Lorsque le Parlement anglais se sépara, en août, il n’avait pas discuté moins de huit fois la question chinoise, et le ministère Salisbury avait été amèrement attaqué, à plusieurs reprises, par ses propres partisans. L’intempérance oratoire de certains ministres, et notamment de M. Chamberlain, accusant nettement la Russie de mauvaise foi et déclarant qu’en traitant avec elle, il faut se souvenir du proverbe : « Qui soupe avec le diable doit se munir d’une longue cuiller, » n’avait cependant pas peu contribué à surexciter l’opinion britannique. Pour la calmer un peu, le ministère dut déclarer au Parlement que son ministre à Pékin avait été autorisé à informer le gouvernement chinois que le gouvernement de Sa Majesté Britannique lui donnerait son appui pour l’aider à résister à toute puissance qui commettrait un acte d’agression contre la Chine sous prétexte que celle-ci « aurait accordé à un sujet britannique la concession d’une voie ferrée ou de tous autres travaux publics. »

C’était le retour à la politique de la porte ouverte, à laquelle l’Angleterre tient par-dessus tout. Elle se refuse à admettre qu’il soit donné à une puissance quelconque des privilèges commerciaux ou des droits de préférence pour les travaux publics à exécuter, qu’il soit constitué en un mot des sphères d’intérêts. De pareilles