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service déguisées ? On ne sait. Toujours est-il que le Tsong-li-Yamen aurait proposé aussi au ministre du Japon, M. Hayashi, de négocier directement et aurait offert en compensation du Liao-toung non pas une indemnité, mais l’alliance de la Chine et la concession du chemin de fer à construire de Tientsin à Pékin. Le gouvernement du Mikado semblait incliner vers cette solution. Mais les trois puissances continentales, c’est-à-dire en somme la Russie, ne l’entendaient pas ainsi. Elles voulaient, pour plus de sûreté, que le Japon ne fût pas lié seulement vis-à-vis de la Chine, et surtout que la rétrocession du Liao-toung ne fût pas subordonnée à des clauses qui permissent de traîner les choses en longueur et de prolonger l’occupation japonaise. Aussi insistèrent-elles pour que l’affaire fût réglée sans tarder, par le versement d’une indemnité supplémentaire de 30 millions de taëls ou 120 millions de francs, payée le 8 novembre 1895, l’évacuation devant avoir lieu dans un délai de trois mois.

Le Japon dut s’incliner et accepta ces propositions par un échange de notes effectué le 19 octobre ; il dut s’engager aussi à retirer ses troupes de Corée. La tentative de réconciliation et d’alliance avec le Céleste-Empire avait échoué ; mais, depuis lors, le langage de la presse japonaise et de beaucoup d’hommes d’État a montré qu’on n’avait pas, à Tokio, définitivement renoncé à cette idée : puisqu’on n’avait pu confisquer la Chine au profit du Mikado, on désirait l’aider à se mettre en état de résister à la pression d’autres puissances et de vivre par elle-même. Au moment du paiement de l’indemnité, le Japon tenta du moins d’obtenir de la Chine l’engagement de ne jamais céder à d’autres les territoires qu’il venait de lui rendre. Mais l’influence russe, appuyée peut-être sur la crainte plus que sur la reconnaissance, était déjà toute-puissante à Pékin et cette satisfaction fut refusée. La nouvelle politique que les puissances européennes, et celles qui étaient venues à son secours les premières, allaient suivre vis-à-vis de la Chine se dévoilait nettement. Si le soleil couchant eut, cette fois, plus d’adorateurs que le soleil levant, on ne devait pas tarder à voir qu’un désintéressement chevaleresque, bien rare dans les relations entre les peuples, n’était pas le mobile qui avait guidé ces amis du malheur.