Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a couru le risque grave d’une guerre non seulement avec le Japon, mais avec l’Angleterre, guerre où son enjeu était beaucoup plus grand et plus exposé que ceux de la Russie et de l’Allemagne et dont elle aurait eu à porter tout le poids. Heureusement contenues par la prudence de l’amiral de Beaumont, les dispositions belliqueuses des amiraux russes se manifestèrent de nouveau le 8 mai 1895, date où devaient être échangées les ratifications du traité de paix entre la Chine et le Japon. Ce jour-là, la flotte russe, stationnée en rade du port chinois de Tchefou, lieu d’échanges des ratifications, à l’entrée du Petchili, en face de Port-Arthur, se livra à un branle-bas de combat et resta constamment sous pression, prête à partir, pour bien témoigner qu’en cas de non-ratification du traité, elle n’hésiterait pas à s’opposer par la force à tout mouvement des Japonais vers Takou et l’embouchure du Peïho et à attaquer leur escadre, mouillée tout près de là, à Weï-haï-Weï. Aux côtés des navires russes se trouvaient les deux croiseurs qui représentaient alors la marine allemande en Extrême-Orient, tandis que l’amiral de Beaumont s’était éloigné, ne laissant à Weï-haï-Weï que le croiseur Forfait, marquant ainsi qu’il ne voulait pas prendre part à une démonstration superflue, dont l’unique résultat devait être d’accroître encore l’irritation du Japon contre les trois puissances.

Ces démonstrations guerrières contrastaient d’une façon malheureuse avec le ton très courtois des notes présentées au Japon par les ministres de Russie, de France, et d’Allemagne. Elles eurent pour effet de convaincre le Japon, — s’il n’en était déjà convaincu, — qu’il aurait à compter désormais avec l’irrémédiable hostilité du Tsar et que le secret désir du gouvernement de Saint-Pétersbourg était non seulement de l’empêcher de s’établir sur le continent asiatique, mais encore d’annihiler complètement sa puissance. Aussi, par un curieux retour, essaya-t-il de se réconcilier avec la Chine, et ses ouvertures furent assez bien accueillies. On était déjà effrayé à Pékin des prétentions de la Russie. Li-Hung-Chang s’en ouvrit au consul japonais à Tientsin et fit prier le cabinet de Tokio de se montrer conciliant sur la question du Liao-toung, de la résoudre amicalement pour ne pas accroître encore les responsabilités qui pesaient sur ses épaules ; -le gouvernement chinois, ajoutait-il, est entièrement à la merci des Russes, il ne peut plus espérer être secouru et sauvé que par le Japon. Etaient-ce de la part du vieux diplomate des offres de