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l’instruisent fort. » L’action principale fut en effet l’assaut donné à la place de Compiègne par le duc de Bourgogne. Le Roi et toute la Cour assistèrent à cet assaut du haut du rempart. Ce fut ce jour-là que se passa cette scène si vivement racontée par Saint-Simon : Mme de Maintenon enfermée dans sa chaise à porteurs, la duchesse de Bourgogne assise sur un des bâtons de devant, et le Roi debout, presque toujours nu-tête, se penchant pour parler à Mme de Maintenon qui, alors, entr’ouvrait la glace de trois doigts. Spectacle étrange en soi-même assurément, qui, à en croire Saint-Simon, aurait frappé de stupeur depuis les courtisans massés sur les remparts jusqu’aux soldats répandus dans la plaine, mais qui, en réalité, ne causa peut-être point tant de surprise aux assistans, accoutumés à la situation exceptionnelle de Mme de Maintenon et à la courtoisie du Roi avec toutes les femmes.

Deux jours après, eut encore lieu une action importante où le duc de Bourgogne joua un rôle prépondérant : ce fut un simulacre de bataille rangée entre deux armées, dont l’une était commandée par lui et l’autre par Rosen, le plus ancien des lieutenans-généraux. Le duc de Bourgogne avait à ses côtés le maréchal de Boufflers, qui lui indiquait les ordres qu’il devait donner. L’action fut longue et chaude. Naturellement l’avantage devait revenir à l’armée commandée par le duc de Bourgogne, mais Rosen ne se souciait pas de lui laisser la victoire. À tous les avis qui lui étaient envoyés de battre en retraite, il faisait la sourde oreille. Le Roi s’en aperçut. « Rosen n’aime point à faire le personnage de battu, » dit-il en riant, et il lui envoya directement l’ordre de se retirer, ordre que Rosen reçut de fort mauvaise grâce, en brusquant le messager, et qu’il accomplit de même. Il fallait bien cependant que le petit-fils de Louis gagnât sa première bataille.

Quelques jours après, le camp de Compiègne prenait fin, à la grande joie des dames qui avaient si ardemment sollicité la permission d’y venir, car elles avaient été fort mal installées, n’avaient point mangé avec le Roi, et avaient vu la duchesse de Bourgogne encore moins qu’à Versailles. En effet, la Princesse n’avait point tenu de cour et elle était constamment dehors. Cette vie nouvelle l’avait fort divertie. « Je n’aurois jamais cru, ma chère grand’maman, écrivait-elle à Madame Royale, me trouver dans une ville assiégée, et estre éveillée par le bruit du canon comme je l’ai esté ce matin. J’espère que nous sortirons bientost de cet estat. Il est vray que j’ay de grands plaisirs icy. » Elle allait