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princesse de Conti, la duchesse de Bourbon et la duchesse du Lude, six personnes en tout. À peine descendu de voiture, le duc de Bourgogne s’alla botter, et revint prendre l’ordre du Roi. C’était son premier acte de général. « Il vint ensuite à ses tentes, où il donna l’ordre au maréchal de Boufflers et aux officiers généraux de fort bonne grâce[1]. » Pendant toute la durée du camp, il vécut d’une vie exclusivement militaire. Il avait été d’abord décidé qu’il tiendrait une table, mais l’élégance et la profusion de celle tenue par le maréchal de Boufflers furent telles que le Roi, craignant la comparaison, y renonça pour lui et décida que, toutes les fois qu’il irait au camp, il mangerait à la table du maréchal. Le duc de Bourgogne ne dut pas s’en plaindre : déchargé de ses devoirs de prince, il était plus libre de s’adonner à son nouveau métier de général. Il serait trop long de le suivre pas à pas durant les manœuvres, qui durèrent près d’un mois, et qui se déroulèrent de point en point suivant le programme tracé de la main du Roi. À travers le Journal de Dangeau et les Mémoires de Sourches, surtout à travers les récits du Mercure et de la Gazette d’Amsterdam[2], on le voit à cheval toute la journée, tantôt arrivant le premier au camp, revenant le dernier, passant, la nuit, par l’orage, un pont de bateaux, et risquant d’être précipité dans la rivière par son cheval effrayé ; tantôt saluant le Roi à la tête des troupes ; tantôt repoussant une attaque inopinée et ramenant, tambour battant, un parti par lequel il avait failli être surpris ; tantôt ouvrant la tranchée contre la place de Compiègne, et se faisant expliquer par les ingénieurs tout ce qui concernait l’art d’un siège, en même temps qu’il veillait au bien-être des travailleurs dans la tranchée et leur faisait apporter de la bière ; tantôt ralliant ses troupes et les menant à l’ennemi « avec une si fière contenance » qu’il le chasse de ses retranchemens, mais se faisant partout remarquer par l’ardeur qu’il apportait à ces jeux de guerre, et par le plaisir qu’il semblait y prendre. Sous le jeune homme pieux, assagi, dompté, reparaissait le prince aux instincts de commandement et à la nature fougueuse. « Monseigneur le duc de Bourgogne fut toujours avec les assiégeans, dit Dangeau. Tous ces travaux et toutes ces attaques lui font grand plaisir et

  1. Sourches, t. VI, p. 59.
  2. Dangeau, t. VI, p. 406 à 425, et Sourches, t. VI, p. 5 à 72, passim. Mercure de France, septembre 1698, Gazette d’Amsterdam. Extraordinaire des n° LXXIV, LXXV et LXXVI, n° LXXVI, LXXVII et LXXVIII, cités par M. de Boislisle, édit. de Saint-Simon, t. V, p, 582 à 590.