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en même temps, que le Roi, si faire se pouvait, partirait, le samedi suivant, 2e de mars, pour s’acheminer vers Tours. À cet effet, on donnait les commissions nécessaires pour lever des gens de guerre et on décidait le rétablissement de la Paulette, de façon à réunir les 1 200 000 écus nécessaires pour commencer la guerre.

À ce mot, tout le monde s’émeut. Les gens prudens, les bourgeois inquiets pour leurs rentes, le clergé, les jésuites, les ambassadeurs crièrent : la paix, la paix ! Le nonce Bentivoglio, quoiqu’il n’eût pas encore reçu d’instructions, crut devoir intervenir dans ce sens, tant auprès du Roi qu’auprès du duc de Luynes. Celui-ci « toujours timide, » (ce sont les termes du nonce) commençait à réfléchir.

Quoique les nouvelles parussent meilleures, et qu’on n’apprît aucune défection dangereuse, ni parmi les grands, ni parmi les principaux chefs des huguenots, on se sentait de moins en moins disposé à courir les hasards de la guerre, et à engager une campagne difficile, à l’autre bout du royaume, dans une saison si rigoureuse. On armait, mais mollement. On savait que d’Epernon armait aussi, et qu’il se préparait à tenir tête aux troupes royales, commandées par Schomberg, envoyées dans ces parages. On consultait tout le monde, même Bouillon, docteur en intrigues, à qui on demandait, assez naïvement, le moyen de réparer le mal qu’il avait fait. Il répondit, le bon renard, « qu’il fallait assoupir ce mécontentement par remèdes doux et bénins et que le Roi ne devait troubler la paix de son royaume en un temps où elle était établie et si chérie de ses sujets. »

Le Roi avait reçu, le 26, par un courrier tout crotté, une lettre de la Reine-Mère, datée de Loches, où elle déclarait qu’elle s’était mise en liberté pour avoir plus de commodité de lui signaler la rigueur et la tyrannie de ceux qui portaient le royaume à sa perte. Elle ajoutait « avoir choisi sa retraite dans le gouvernement du duc d’Epernon, parce que l’affection de ce seigneur et sa fidélité au bien de l’État n’avaient jamais été contestées et que le feu Roi, connaissant sa vertu et sa probité, lui avait, dans ses derniers jours, conseillé de se fier à lui plus qu’à aucun autre des grands du royaume. » Cette lettre qui était, dit-on, du style de Ruccellaï, mécontenta vivement le Roi. Il ne parlait que de monter à cheval.

Ce fut Luynes, lui-même, qui entreprit de le calmer. On commença par gagner du temps, sous prétexte de délibérer et de