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prendre place en son carrosse, et ils entrèrent ainsi à Loches, surpris et satisfaits, l’un et l’autre, de la réussite d’une si vaste et si extraordinaire machination ; mais déjà, aussi, soucieux du résultat final et des difficultés nouvelles dans lesquelles les jetait un coup si audacieux.

Au château de Blois, personne n’était averti du départ de la Reine. Le lendemain, au grand jour, les domestiques, n’étant point appelés dans la chambre de leur maîtresse, ne savaient que croire d’un si profond sommeil. Enfin on se décida à entrer. On ne trouva plus personne, ni la Reine, ni sa femme de chambre, ni ses domestiques les plus intimes. En ville, on commençait à parler de ce qui s’était passé la nuit. Aussitôt, le comte de Cheverny, gouverneur du Blaisois, et les échevins de Blois dépêchèrent à la cour. La nouvelle de la fuite de la Reine se confirmait de toutes parts.

Grand fut l’émoi. Le Roi était à Saint-Germain, où il comptait rester pour faire retraite et chasser pendant tout le carême. Il revint en hâte à Paris. Les conseils se réunirent. Les avis, comme les sentimens, furent partagés. Le Roi voulait armer immédiatement et se diriger vers la Loire pour mettre à la raison le vassal révolté. Luynes, n’écoutant d’abord que sa colère, était du même avis, ainsi que la plupart des ministres. Mais le président Jeannin fit toucher du doigt le danger d’une telle résolution. C’était retomber dans la faute commise par le maréchal d’Ancre. On risquait de s’embarquer dans une guerre civile longue et laborieuse, tandis que les affaires, au dedans ou au dehors, ne permettaient guère de courir une pareille aventure.

On tint conseils sur conseils : le prince de Piémont, marié tout récemment à la sœur du Roi, y fut admis. On voyait, de toutes parts, des sujets d’inquiétude. On appréhendait une coalition de tous les grands : Bouillon, à qui on avait retenu plus de 500 000 livres sur ses pensions et gages, Montmorency qui n’avait pu obtenir la délivrance de son beau-frère Condé, le duc de Venta-dour, le marquis de la Force, Montespan, Saint-Luc Pardaillan, Soubise, M. le Grand ; même les Guises et Lesdiguières étaient soupçonnés. On parlait d’un soulèvement des huguenots et on assurait que la Reine s’était acquis le concours du roi d’Espagne.

Le 25, on réunit le Parlement. On obtint de lui, séance tenante, un arrêt déclarant criminels de lèse-majesté « tous ceux qui prendraient les armes sans commission de Sa Majesté. » On annonçait,