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en Macédoine ; elle ne les a point faites. Les événemens de Crète ont démontré trois choses : d’abord, que les réformes sont impossibles en Turquie sans l’intervention de l’Europe et sans l’occupation du pays par des forces militaires étrangères ; ensuite, que ces réformes ne peuvent pas être effectives sans l’autonomie locale ; enfin, qu’aucun gouvernement n’est viable, s’il n’est pas dans les mains de ceux qui jouissent de la confiance de la majorité de la population. Une objection se présente, mais elle n’est pas fondée. On dit que la Macédoine ne fournirait pas une majorité également apte à respecter le gouvernement et à le faire respecter. On croit que la population est divisée, parce qu’il y a un manque d’union dans la propagande qu’on aperçoit du dehors ; mais, sous les divergences superficielles, existe une union réelle, et qui se manifesterait tout de suite, si l’Europe prenait en main la cause de tous. Il faut donc que l’Europe s’en charge. Les chrétiens de Turquie sont arrivés à se dire que, puisque les puissances ne s’émeuvent que lorsque le sang a commencé de couler, il serait plus avantageux pour eux, au lieu de se voir massacrer un à un, de fournir aux Turcs l’occasion d’assouvir une fois pour toutes leur barbarie, ce qui obligerait l’Europe à intervenir. La patience des chrétiens est à bout, et l’Europe, avertie, ne devra pas s’étonner s’ils se laissent entraîner à un acte de désespoir. — Tel est ce document : nous avions raison de dire qu’il s’inspirait de ce qui s’est passé en Crète, et qu’il aboutissait à une mise en demeure à l’adresse de l’Europe. Ses auteurs vont plus loin : ils y ont joint une annexe, qui n’est autre chose qu’un plan d’organisation politique et administrative du pays. On formera une province avec les trois vilayets de Salonique, de Monastir et d’Uskub : la ville de Salonique en sera la capitale. Un gouverneur sera nommé pour cinq ans ; il appartiendra à la nationalité dominante. Il administrera la province avec l’aide d’une assemblée générale, composée de représentans élus directement par le peuple, ce qui, dit le projet, — est-ce naïveté ? — garantira les droits des minorités. La liberté individuelle, l’inviolabilité du domicile, la liberté scolaire, la liberté de la presse, débarrassée de la censure, seront garanties. Les fonctionnaires seront choisis parmi les membres de la nationalité dominante dans les localités où ils exerceront leurs fonctions. Les différentes langues seront mises sur le pied d’égalité avec le turc, les fonctionnaires se serviront à leur choix de l’une ou l’autre. Des milices locales, composées proportionnellement au nombre des habitans de chaque nationalité, seront placées sous les ordres du gouverneur général, etc. C’est le rêve d’une Arcadie politique. On laisserait