procurer « l’émotion de pensée. « Et il s’est recommandé de cette formule : « L’art est l’œuvre d’inscrire un dogme dans un symbole. » Pour nous faire mieux comprendre ce qu’il entend par là, il se livre à une interprétation de l’œuvre de Flaubert qui est positivement étourdissante. « L’aventure de Madame Bovary n’est plus qu’une métaphore dont la fable dissimule une somme de philosophies observatrices et de déductions abstraites. Et nous pouvons, à cet exemple, définir le roman d’art : la métaphore d’une philosophie… À contempler mentalement le cycle des œuvres composées par Gustave Flaubert, l’émotion qui récompense peut servir de type. D’une part, la Tentation de Saint-Antoine évoque les croyances du monde ancien dont les fantômes viennent successivement tenter l’anachorète. À l’autre bout du cycle, Bouvard et Pécuchet expérimentent toutes les affirmations du monde moderne. Les religions, motifs du geste antique, et la science, mobile de la pensée présente, se confrontent. » Il est à craindre que M. Paul Adam n’ait mis dans son propre roman un peu de toutes ces belles intentions qu’il prête gratuitement à Flaubert. On soupçonne qu’elles aussi les aventures de Bernard Héricourt pourraient n’être que des métaphores. On redoute le symbole qui vous guette au détour de phrases à l’air innocent. Cela met mal à l’aise. — Ensuite M. Paul Adam est vraiment celui qui ne sait se borner. Quel luxe d’épisodes inutiles ! Quelle profusion de détails qui font longueur et lourdeur ! Le récit disparaît sous l’accumulation des traits qui l’étouffent. Le dessin se noie. Nous perdons pied. Notre vue se brouille. La migraine commence. Ce défaut est sensible surtout dans la description des innombrables faits de guerre. L’art classique avait pour les scènes militaires un poncif. Nous l’avons tout bonnement remplacé par un autre poncif. Parce que le soldat n’aperçoit qu’un coin du champ de bataille et la partie de l’action où il est lui-même engagé, nos romanciers en concluent que c’est leur devoir de plonger le lecteur dans les ténèbres. Os s’y appliquent consciencieusement ; le fait est que nous ne distinguons plus rien. Ils nous donnent du Tolstoï exaspéré et du Stendhal en délire. Je remarque que le récit des batailles est beaucoup moins embrouillé sous la plume des officiers qui y ont assisté. C’était l’avis de Marbot, qui a quelque compétence en la matière. « Presque tous les auteurs militaires, écrit-il, surchargent tellement leur narration de détails, qu’ils jettent la confusion dans l’esprit du lecteur ; si bien que dans la plupart des ouvrages publiés sur les guerres de l’Empire, je n’ai absolument rien compris à l’historique de plusieurs batailles auxquelles j’ai assisté et dont toutes les phases me sont cependant bien
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