heurté, recherché, lâché, précieux, trivial, incorrect. L’auteur les a lancés en hâte, au hasard, sans pouvoir dégager son idée, donner forme à sa pensée, réaliser des conceptions qui n’étaient pas au point. À travers cet amas, ce mélange, cette confusion, on sentait sourdre une force obscure, qui cherchait à se faire jour, dont on pouvait craindre qu’elle ne s’allât perdre sans avoir pu se manifester clairement, et qui vient d’éclater.
C’est dans les souvenirs du Directoire et de l’Empire que M. Paul Adam a trouvé le cadre où il a pu déployer ses qualités de peintre, ses dons de poète et de visionnaire. On sait assez quel mouvement de curiosité nous a ramenés vers les choses et les gens de cette époque. De toutes les archives, de toutes les bibliothèques, de toutes les armoires, les documens nouveaux sont sortis en liasses, en paquets, en monceaux. De tous les pavés on a vu surgir une poussée, s’épanouir une floraison de Mémoires, ceux des généraux et ceux des troupiers, ceux des diplomates, ceux des intrigans, Mémoires de Marbot, de Bourgogne, de Talleyrand, de Barras, de vingt autres. Profitant de ce luxe d’informations, les érudits se sont remis au travail, ont récrit l’histoire sur nouveaux frais, ont fait apparaître les figures principales sous des aspects imprévus. Donc nous nous sommes repris de goût pour les tableaux de cette période si proche de nous et déjà si lointaine. Car c’est tout juste si deux générations nous séparent de ceux qui s’en allèrent, dans un bel élan d’enthousiasme, porter d’un bout à l’autre de l’Europe l’évangile de nos idées et la gloire de nos armes ; mais dans le court espace de temps qui sépare des grands-parens leurs petits-fils, combien de choses ont changé qui rendraient ce pays méconnaissable à ceux qui l’ont naguère illustré ! Nous avons commencé de méditer sur des façons de vivre et des formes de société si différentes de celles où s’alanguissent aujourd’hui nos courages et se paralysent nos énergies. Débilités par le souvenir de désastres récens et par le spectacle sans cesse renouvelé de divisions plus désastreuses, déprimés par des traditions d’égoïsme, amollis par l’habitude du bien-être, déséquilibrés par l’excès du développement cérébral, fatigués par l’analyse, vieillis par les déceptions et dégoûtés de nous-mêmes, nous nous plaisons à nous détourner des tristesses qui nous entourent, afin de vivre par l’imagination les heures lumineuses qui ont ensoleillé les débuts de ce siècle. C’est ainsi que, cédant au courant général, le romancier est amené à reprendre pour son compte les élémens que lui fournissent les travaux des historiens et les souvenirs des témoins. Il va les recomposer à sa manière, en