Elle résume un des aspects et comme un des modes par où la mélodie germanique, j’entends celle d’hier et celle d’aujourd’hui, nous apparaît le plus contraire à la mélodie italienne. L’une prépare et l’autre accomplit. Définie et définitive, celle-ci s’impose du premier coup ; celle-là, moins formelle, moins concrète, s’insinue peu à peu et nous gagne. Toutes les deux se partagent en quelque façon la représentation de la vie et de la vérité ; chacune résout à sa manière deux antinomies profondes : celle de l’être et du devenir, celle de l’individu et du nombre.
Pour arriver à la représentation intégrale et à la solution unique, il faut que les deux écoles se réconcilient et se fondent. Alors se réalisera la musique universelle ; alors « les deux élémens qui forment encore deux mondes séparés s’uniront pour n’en faire plus qu’un seul. La sainteté de la foi qui distingue l’école allemande, se mêlera, pour la consacrer et la bénir, à l’énergie qui frémit dans l’école italienne, et l’expression musicale aura retrouvé ses deux termes essentiels, la pensée individuelle et l’universelle pensée. »
Ainsi cet Italien souhaitait pour le génie de sa race quelque communication du génie allemand. Trente-cinq ans plus tard et comme pour répondre, même sur ce point, à l’appel de son précurseur, le plus Allemand des grands Allemands devait rendre à l’Italie un réciproque hommage. En 1871, après le succès de Lohengrin à Bologne, Wagner, écrivant à M. Arrigo Boito, rêvait à son tour d’unir l’un et l’autre idéal. Après avoir célébré le spiritualisme de la musique allemande, qui, « dégagée des enchantemens de la forme et de la beauté, n’aspire plus qu’à l’immatérialité de l’esprit, » Wagner ajoutait : « Pourtant un mouvement secret nous avertit que nous ne possédons pas l’essence intégrale de l’art ; une voix intérieure nous dit que l’œuvre d’art, pour être complète, doit satisfaire aussi les sens, toucher toutes les fibres de l’homme, l’envahir tout entier comme un torrent de joie… S’il faut, — et peut-être le faut-il, — un nouvel hymen entre les peuples, nul ne nous sourirait plus que celui du génie italien avec le génie allemand. Et si mon pauvre Lohengrin doit être le héraut de ces noces idéales, c’est vraiment qu’il était réservé pour une admirable mission d’amour. »
Ces noces s’accompliront-elles jamais ? Comme dit Mazzini lui-même : « È utopia codesta ? Tout cela n’est-il que chimère ? » Il est presque inévitable que la question se pose et que le doute