tout entière, il n’en est pas un non plus d’où l’on n’aperçoive un fragment et comme un éclat de vérité.
Ayant ainsi divisé la musique en deux royaumes, Mazzini la distribue entre les deux nations souveraines. Le génie de l’Italie est avant tout mélodique et par conséquent individuel : l’harmonie au contraire, représentative de l’idéal social (pensiero sociale), forme le trait essentiel du génie allemand. Et cela encore est vrai, bien que d’une vérité sommaire et d’ailleurs soumise par Mazzini lui-même à de justes restrictions. « Je ne parle, dit-il, en cet essai de parallèle, que de caractère prédominant. Il n’y a pas d’école où la prédominance de l’un des deux élémens de la musique entraîne l’exclusion totale de l’autre. Fût-ce dans la musique italienne… il peut arriver que l’harmonie entreprenne et même l’emporte sur sa rivale. Et dans la musique allemande, en particulier chez Beethoven, il n’est pas rare que la mélodie s’élève, divinement expressive, au-dessus de l’harmonie, qui n’en reste pas moins le principal caractère du génie allemand. »
À l’appui de sa double thèse, ainsi limitée, Mazzini cherche dans l’esthétique et dans l’histoire des raisons qui ne sont pas toutes également bonnes. Il s’abuse d’abord, lorsqu’il fait de l’individualisme le principe et l’âme même du moyen âge. C’est la Renaissance au contraire, c’est-à-dire l’esprit de réaction contre le moyen âge, qui se donna pour idéal le développement complet et, au besoin, exorbitant ou monstrueux de l’individu. La virtù ne fut que l’exaltation, la folie de cet amour ou de ce culte de la personnalité, qui dans l’ordre de la musique se manifesta par l’avènement et le triomphe d’abord du récitatif, puis de la mélodie italienne. Mais si Mazzini s’est mépris sur les origines, il a mieux vu les caractères. Il a très bien reconnu dans l’art italien la présence et la puissance du moi, d’un moi jaloux, capricieux et despotique. « La musique d’Italie est dominée par la sensation, par l’éclat rapide et violent. Elle se place au milieu des objets ; elle en reçoit une impression qu’elle nous rend embellie et divinisée. Lyrique jusqu’au délire, passionnée jusqu’à la frénésie, rapide en ses modulations, sans nul souci des régions intermédiaires ou moyennes, elle saute, elle bondit d’une pensée, d’une passion à l’autre, de la joie à la douleur, du rire aux larmes de la colère à l’amour, du ciel à l’enfer, et, toujours puissante, toujours émue, toujours exaltée, sa vie est double de toute autre vie. Tout en elle est mouvement, transport, émotion ; rien n’est