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musical non plus entre des voix seulement, mais entre des personnages, entre des êtres vivans. Quant au rôle du chœur, c’est-à-dire de la foule, Mazzini s’en faisait aussi une idée ou un idéal wagnérien : « Pourquoi, si l’évolution du drame musical doit se conformer à l’évolution de la société elle-même, pourquoi le chœur, qui, dans le drame grec, représentait l’unité d’impression et de jugement moral, ne se développerait-il pas dans le drame musical moderne ? Pourquoi ne s’élèverait-il pas, du rôle secondaire et passif où on le réduit, à la représentation solennelle et intégrale de l’élément populaire ? Aujourd’hui le chœur est, comme le peuple dans les tragédies d’Alfieri, condamné à l’expression d’une seule idée, d’un sentiment unique, traduit par une seule mélodie que chantent dix ou vingt voix n’en faisant qu’une. Il apparaît de temps en temps, beaucoup plus comme une occasion de repos pour les premiers sujets, que comme un élément musical et philosophique distinct… Eh bien ! pourquoi le chœur, individualité collective, n’aurait-il pas droit, comme le peuple, dont il est l’interprète naturel, à une vie propre, indépendante et spontanée ? Pourquoi, par rapport au principal ou aux principaux personnages, ne constituerait-il pas l’élément de contraste essentiel à toute œuvre dramatique ? En lui-même et à lui seul, pourquoi, par la combinaison de phrases et de mélodies plus nombreuses, par une harmonieuse disposition de demandes et de réponses, pourquoi le chœur n’exprimerait-il pas la variété infinie de sensations, de pensées, de désirs et de passions qui frémit en toute multitude ? » Voilà encore des souhaits que Wagner devait combler. Dans ceux de ses ouvrages où il a usé de la polyphonie vocale, il a singulièrement accru le sens, la vie et surtout la variété du chœur. Que le chœur wagnérien soit un concert ou un conflit ; qu’il ait pour mission de combattre le sentiment d’un personnage, ou bien de le consacrer et, par le nombre, par la diversité des voix, de l’étendre jusqu’à l’universel et à L’infini, la page que nous venons de citer s’applique et s’impose toujours. Elle est en quelque sorte un programme prophétique, que certains « ensemble » de Tannhaüser ou de Lohengrin, des Maîtres Chanteurs ou de Parsifal ont magnifiquement réalisé.

Enfin, parmi tant de pressentimens, voici Les plus singuliers, parce qu’ils sont les plus précis. « Pourquoi, se demande Mazzini, pourquoi Le récitatif obligé, qui fut jadis en honneur, et qu’on néglige trop aujourd’hui, ne prendrait-il pas dans les compositions