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choses. La musique est une harmonie de la création, un écho du monde invisible, une note de l’accord divin que l’univers entier est appelé à réaliser un jour. Comment voulez-vous saisir cette note, si vous ne vous élevez à la contemplation de cet univers, si vous ne vous mettez, par la foi, en présence de l’invisible, si vous n’embrassez la création tout entière de toute votre étude, de toute votre âme, de tout votre amour ! » Partout, ainsi, le socialiste reparaît dans le musicien et le domine. Mazzini transporte ou transpose dans l’ordre esthétique cette formule de Michelet : « L’individu ne saurait tirer sa gloire que de sa participation volontaire à l’ensemble. » Il propose à la musique un idéal exclusivement social, je veux dire un idéal de participation ou de communauté. Il souhaite, il ordonne qu’elle se déprenne d’elle-même et se désapproprie ; que, renonçant au mouvement personnel, excentrique, qui ne peut que la perdre, elle rentre dans le concert universel et se contente d’y concourir.

Voilà bien l’esprit général de la réforme wagnérienne, et la conception d’une œuvre d’art, œuvre de tous les arts. Mais il n’est pas jusqu’à la lettre de la loi future que Mazzini n’ait prédite, et le détail même de ses vœux, ou de ses prophéties, n’a pas manqué de s’accomplir. Un premier point sur lequel on peut croire qu’il se tiendrait aujourd’hui pour satisfait, c’est l’allongement du spectacle. « Pourquoi, demandait-il, pourquoi ne pas étendre les proportions du drame, quand la raison historique ou l’idée principale l’exige ? Je sais bien que la plupart des spectateurs trouvent déjà l’opéra démesuré. Faute d’un intérêt moral, il n’en peut être autrement. Mais j’espère en un temps où le drame et le public se seront l’un par l’autre améliorés… Alors, devant un auditoire non plus matérialiste et frivole, mais régénéré par la conscience d’une vérité à conquérir, alors le drame lyrique pourra développer son haut enseignement moral. » Ce temps est venu sans doute, puisqu’il n’est pas rare aujourd’hui qu’un acte d’opéra dure une heure et demie, puisque, même dans les récits, discours et dialogues de la Tétralogie, un public admirable d’intelligence, ou de longanimité, ne trouve plus rien au-dessus de son attention, ou de sa patience.

La question de temps n’est pas la seule que Mazzini ait posée et résolue d’avance selon l’esprit wagnérien. Il a compris comme Wagner l’union, je dirais presque l’unité de la poésie et la musique ; comme Wagner, il a senti le besoin de distribuer le drame