corriger le style ou la lettre. C’est l’esprit qui doit souffler d’ailleurs, afin de renouveler la face de la terre. Voici la première rencontre entre le révolutionnaire italien et le musicien qui fut le plus révolutionnaire de tous. Par la rigueur de ses exigences, par le caractère radical, absolu, des conditions qu’il pose à l’avenir, Mazzini se montre incontestablement le précurseur de Richard Wagner. Ou la musique ne sera plus, ou elle sera telle que la voit et que la veut l’impérieux prophète. Et cette volonté, comme cette vision, est exactement wagnérienne. D’avance, et par je ne sais quelle sympathie préétablie, Mazzini s’accorde avec Wagner non seulement sur la nécessité, mais sur la nature même de l’évolution musicale. Socialiste avant tout, son vœu le plus cher est de socialiser la musique. Autrement dit, il entreprend de l’arracher à l’orgueil et à l’amour de soi-même. Elle s’était isolée, il souhaite qu’elle se rallie ; égoïste et jalouse, elle s’était reprise, il veut que de nouveau elle se communique et se donne. Il lui montre l’avenir et le salut dans le rétablissement d’une alliance avec les autres arts, qui fut glorieuse, et qu’elle a brisée. Hélas ! qui donc aujourd’hui rappellera l’infidèle et la fugitive ? Qui l’avertira du péril, et l’en saura sauver ? « Parmi tous ceux qui parlent ou écrivent de la musique, en est-il un seul qui remonte jusqu’aux origines philosophiques du problème musical ? On oublie qu’autrefois la musique et les autres arts ne formaient qu’un seul groupe, ou plutôt une seule famille. On ignore que le principe fondamental de la musique se confond avec le principe du progrès universel, que son développement coïncide avec le développement de l’esprit contemporain. Que la décadence musicale ait pour cause le triomphe du matérialisme et la perte de la foi sociale ; que la musique ne puisse ressusciter que par la résurrection de cette foi, par l’association de sa propre destinée avec celle des lettres et de la philosophie, » autant de vérités nécessaires, éternelles et méconnues. Il est urgent de les rappeler, non pas aux maîtres, qui ne se convertissent ni ne se corrigent, mais aux jeunes gens. C’est aux jeunes gens qu’il faut dire : « Votre art est saint, et, pour en être les prêtres, vous devez être saints comme lui. L’art qui vous est confié est étroitement uni à la civilisation ; il peut en être le souffle, l’âme, le parfum sacré, si vous cherchez l’inspiration dans le mouvement, dans le progrès de cette civilisation même, et non dans de règles, des canons arbitraires, étrangers aux lois supérieures qui régissent l’ensemble des
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