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des sciences, dont j’étais président cette année-là, avait été en excursion dans cette petite ville ; à notre arrivée, le maire nous adressa un compliment de bienvenue et, connaissant la profession du Président, voulut bien attribuer aux travaux des agronomes la prospérité agricole dont jouissait le pays ; en réalité elle était due à l’abondance des eaux d’irrigation, qui avait permis d’entreprendre avec grand profit la production des graines de fleurs. Dans le Midi, là où l’eau arrive, à la grande culture se joint le jardinage. À côté de prairies, d’un bon rapport puisqu’on coupe cinq ou six fois dans le cours d’une année, on obtient, dès le premier printemps, des gerbes de fleurs, des primeurs qu’on expédie dans les pays du Nord, encore engourdis par les froids de l’hiver. Plus tard, ce sont des légumes frais, des fruits, dont la vente procure de larges bénéfices.

Dans le Centre et dans le Nord même, les eaux d’arrosage arrivant à propos nous préserveraient des sécheresses désastreuses comme celle de 1893 qui a coûté à la France des centaines de millions de francs, elles rendraient habituelles les bonnes récoltes si rares aujourd’hui. En 1898, nous avons obtenu 131 millions d’hectolitres de blé, on a presque atteint les 134 millions produits en 1874, ce qu’on n’avait jamais revu depuis vingt-quatre ans. Bien des conditions favorables doivent être réunies pour que ces hauts rendemens soient réalisés ; une d’entre elles, celle qui domine toutes les autres, s’est manifestée en 1898 : le mois de mai a été pluvieux.

Près de la moitié de la population de la France vit de la culture ; péniblement, tous les ans, nos paysans rétablissent l’ameublissement de leurs terres, détruit par les eaux pluviales. Ils assurent ainsi la pénétration, l’emmagasinement, la circulation de ces eaux ; si elles arrivent en temps opportun, la récolte est bonne et le labeur trouve sa juste récompense ; si elles font défaut, leurs efforts sont vains, leur peine perdue ! N’est-il pas temps de venir en aide aux praticiens ? Puisque nous savons qu’il travaillent pour que leurs terres soient humides, hâtons-nous de mettre à leur portée les eaux qui s’écoulent inutiles jusqu’à la mer.

Je m’efforcerai prochainement de montrer les avantages que notre pays tirerait de la construction de canaux d’irrigation dont les eaux rendraient infiniment plus efficace qu’il ne l’est aujourd’hui le travail du sol.


P.-P. DEHÉRAIN.