d’Épernon. Cet ancien mignon de Henri III était devenu, avec le temps, un très grand personnage. Il avait le gouvernement de Metz, place si forte et si importante aux portes du royaume ; il avait le gouvernement de la Saintonge et de l’Angoumois ; il était colonel-général de l’Infanterie française. Âgé de soixante-cinq ans, il s’appuyait sur ses deux fils, tous deux dans la force de l’âge et dignes d’un tel père : le marquis de la Valette et l’archevêque de Toulouse, plus tard cardinal de la Valette, excellent homme de guerre.
D’Épernon, de tout temps, l’avait pris de haut avec tout le monde. Maintenant, gonflé d’un orgueil intraitable, il veillait à ce que la distance entre lui et les autres fût pour le moins égale à celle qu’il consentait à reconnaître entre le Roi et lui. En 1614, lors de la mort du roi Henri, il avait rendu un grand service à la reine Marie de Médicis : c’était lui qui avait fait proclamer la régence de la Reine-Mère en prononçant, la main sur la garde de son épée, en pleine cour de Parlement, un discours impératif qui avait eu pour effet instantané d’ajouter, sans discussion, une règle nouvelle à la constitution non écrite du royaume. Si on avait, à son gré, mal récompensé de tels services, il trouvait une sorte de satisfaction raffinée dans l’orgueil du silence et du mécontentement. Il ne faisait plus guère à la cour que de rares apparitions. Cependant, il s’était décidé à venir saluer le Roi, quelque temps après la mort du maréchal d’Ancre. Un passage de Fontenay-Mareuil rend sensible l’espèce d’empire que le duc d’Epernon exerçait, alors, sur l’opinion et sur l’armée : « L’autorité qu’il avoit dans l’infanterie étoit si grande, et qui ne procédoit pas de la faveur comme autrefois, mais de son esprit, qu’ayant fait avertir du jour qu’il arriveroit, non-seulement les mestres de camp et les officiers tant du régiment des gardes que de tous les autres qui étoient à Paris furent au-devant de lui jusqu’à Étampes, mais une infinité d’autres venus expressément pour cela des garnisons de Picardie et de Champagne, aucun capitaine n’y ayant manqué sans grand sujet et sans lui en faire faire des excuses. »
De cet ancien favori devenu grand seigneur, Luynes, favori puissant en passe de devenir grand seigneur, s’était fait rapidement un ennemi : il n’avait pas appuyé assez fortement la candidature au cardinalat de l’archevêque de Toulouse, fils du duc d’Epernon ; dans une querelle de préséance, que celui-ci s’était faite avec le président du Vair, Garde des sceaux, — épée contre robe, —