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inconsciens de leur propre mérite, ils semblent méconnaître aussi, que les œuvres post-scolaires ne sont, pour beaucoup de ceux qui s’y prêtent, qu’une occasion de se mettre en relief comme serviteurs d’un parti, parfois même d’une secte ; et ces collaborations loyalement dévouées sont, tout ensemble, prisonnières d’une illusion et dupes d’une politique.

Cette politique est celle de la Ligue de l’Enseignement. « Louis XIV disait : L’État, c’est moi. En république, nous devons dire : L’État, c’est nous. Il faut que chaque jour qui s’éteint emporte avec lui les restes, les débris des croyances mortes. » Ainsi parlait à Cahors, en 1894, le sénateur Jean Macé ; il imposait à l’État, hardiment, les doctrines de la Ligne de l’Enseignement, dont vingt-sept ans auparavant il avait été le fondateur. Il y eut même une heure où la Ligue travailla pour l’iconographie de la République ; un buste de la République, inauguré le 21 janvier 1881 à la loge maçonnique de Saint-Germain, et dont le comité parisien de la Ligue commanda tout de suite quatre modèles différens pour la propagande, portait sur son socle certains détails que le Bulletin de la Ligne décrivait en ces termes : « L’ignorance et la superstition, symbolisées par un moine mitre, sont étranglées par un cordon sur lequel on lit : Ligue de l’Enseignement. Le rideau aux emblèmes maçonniques couvre la partie gauche. Voltaire le soulève et rit aux progrès qu’ont faits ses idées. » M. Jean Macé ne revendiquait, ni pour ses idées ni pour ses images, le mérite de l’originalité créatrice ; trop modeste pour se flatter d’en être l’inventeur, trop influent dans l’État pour avoir rien à cacher, on l’entendit, un jour, au Grand-Orient de France, centre de la maçonnerie française, dire en propres termes de la Ligue de l’Enseignement : « Ici, la fille est chez sa mère. » Lorsqu’il mourut, le Bulletin, fort répandu dans nos écoles normales primaires, compara Macé au Christ, ou peu s’en fallait : « Pauvre clergé ! y lisait-on ; il a beau tonner contre la Ligue de l’Enseignement, contre la franc-maçonnerie, elles lui survivront ; peu nous importent, du reste, les derniers grognemens de la bête expirante. Jésus, écrivait Victor Hugo à un de nos amis, lavait les pieds des pauvres ; le Christ de la religion future doit leur laver l’intelligence, et nous ajouterons : et le cœur. Telle a été l’œuvre de Jean Macé, l’œuvre que continue la Ligue de l’Enseignement. » À côté de la Ligue et participant au même esprit, l’Union démocratique aspire à « favoriser l’évolution des mœurs dans le sens des institutions républicaines,