de nos pères. Comme si cette morale était unique, invariable, identiquement la même du moyen âge aux temps actuels !… Voltaire a beau parler de la morale éternelle, nous savons tous que ce n’est là qu’une métaphore. » De çà, de là, M. Gillotin cherchait Les fondemens de sa morale, et nulle part il ne les trouvait. Ses conclusions étaient découragées : « Peut-être l’État, disait-il, n’est-il pas en situation d’enseigner une morale complète, mais seulement une morale scientifique et hypothétique, c’est-à-dire une morale qui n’en est pas une, une morale sans principe, sans obligation ni sanction définitive. Dans ce cas, il doit le dire. » Et c’est un aveu que, volontiers peut-être, M. Gillotin eût soufflé à l’État. Mais préoccupé de maintenir, parmi le chaos des systèmes et l’anarchie des tâtonnemens, cette « laïcité » qui était tout proche de ressembler à une entité sans contenu, M. Gillotin expliquait, finalement, qu’il serait « désirable, à l’école primaire, de remplacer le chapitre concernant les devoirs envers Dieu par un bon résumé historique des croyances religieuses régnantes, » et il indiquait aux maîtres, pour les seconder dans cet enseignement, quelques pages de M. Albert Réville. En se mettant à l’école du protestantisme libéral pour s’essayer à un cours rudimentaire de sciences religieuses, l’instituteur se déchargerait de la tâche délicate de prendre parti pour ou contre Dieu.
De l’article de M. Gillotin, combien d’autres, épars dans les publications pédagogiques, pourraient être rapprochés ! Peu de temps après le vote des lois scolaires, dans la Tribune des Instituteurs, Dieu était déjà dénoncé comme un ennemi de l’école neutre : « Nous considérons comme absurdes, stupides, écrivait un maître d’école, les pratiques religieuses des anciens Romains : que penseront de nous, à leur tour, nos descendans au quarantième siècle ? Les phrases de certains livres scolaires : Dieu est sans bornes, Dieu est infini, laissent percer les enseignemens du catholicisme, et la neutralité religieuse à l’école n’est pas aussi facile à observer qu’on le croit communément. » Un collaborateur de l’Union pédagogique française était plus formel encore ; il adhérait avec quelque complaisance à la qualification d’ « écoles sans Dieu, » rentre laquelle protestaient, tantôt par conviction, tantôt par opportunité politique, les hautes autorités officielles de l’enseignement : « Il semble indispensable, disait-il, que la morale soit établie but des principes acceptés de tous. Or, ces principes spiritualistes sont-ils hors de doute ? Non !… Irez-vous dire aux enfans