en promettant aux naïfs un bonheur ultra-terrestre, la République, elle, doit répandre partout la lumière de la science. » Ainsi, théoriquement, l’école est l’héritière de l’Église.
Mais, en fait, et quelque sanction qu’apportent les lois scolaires à ce droit de succession, le Concordat subsiste ; il maintient l’Église, survivante intruse, en face de l’école nouvelle. « Un accord sincère, reprend M. Bonsens dans sa conférence sur la discipline, peut-il exister entre le curé et l’instituteur ? Répondons énergiquement non. Leurs enseignemens se contredisent et se heurtent à chaque pas… » Et il ajoute, avec une désinvolture d’enfant terrible, que la neutralité de l’instituteur est « une hypocrisie et une duperie. » M. Bonsens, d’ailleurs, connaît ses auteurs. « L’enseignement catholique, s’écriait en 1881, dans l’enceinte du Cirque d’Hiver, une voix autorisée, devient aisément et quasi fatalement l’école de l’imbécillité, du fanatisme, de l’antipatriotisme et de l’immoralité. Il y a antagonisme, contradiction incessante entre les deux enseignemens. Depuis assez longtemps ils marchent côte à côte ! » N’est-ce pas sur les lèvres de Paul Bert, et sous la présidence de Léon Gambetta, que retentissaient ces déclarations énergiques ? Contre M. Bonsens, Paul Bert et Gambetta, l’autorité universitaire, voulût-elle même rendre parfaitement sincère l’étiquette officielle de neutralité scolaire, est naturellement désarmée. « Noble et généreux pays, concluait M. Paul Bert, de quel essor t’élèveras-tu vers la lumière, quand sera coupé ce boulet, enlevé cet éteignoir ! » Les lois scolaires coupèrent le boulet, elles enlevèrent l’éteignoir ; et l’essor s’inaugura.
« Voilà le pauvre petit maître d’école, écrivait vers la même époque un inspecteur général, M. Félix Cadet, qui passe de l’obscurité en pleine lumière, qui prend une importance toute nouvelle, qui devient véritablement l’homme nécessaire de la situation. » Et M. Cadet ajoutait avec quelque crainte : « La tête ne peut-elle tourner dans L’enivrement d’une pareille fortune ? » Mais M. Jean Macé, dont l’ascendant n’était pas moindre, bien loin de lutter contre ces périls d’enivrement, semblait plutôt se complaire à les aggraver. Haranguant à Nantes, en 1884, les instituteurs de la Loire-Inférieure : « Tenez, leur disait-il, j’ai commencé petit instituteur comme vous : me voilà sénateur ; il n’y a que la République pour faire ces choses-là. » Et les têtes de tourner, et les maîtres d’école d’applaudir. Peu d’années après, dépouillant son vaste courrier scolaire, en vue d’une enquête d’ensemble,