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le duel entre « l’État laïque » et le « gouvernement théocratique : » cela suffit.


I

« Oui, l’instituteur sera placé à la base de l’édifice républicain démocratique, comme le prêtre fut placé à la base de l’édifice théocratique et monarchique. Oui, ce puissant qui trouve jusqu’à ce jour appui partout, dans la paroisse et dans la commune, dans le diocèse et dans le département, dans l’Église et dans l’État, ce puissant qui dort inamovible au poste où son chef infaillible l’a placé, sera vaincu par cet humble qui marche, marche toujours, montant son calvaire, écrasé sous le poids des siècles écoulés, honni des princes, des prêtres et des grands du peuple, abandonné de ce peuple lui-même, dont il sert la cause et dont il est encore incompris. » C’est sous la plume d’un instituteur de la Nièvre que nous avons trouvé ces instructives généralisations. Elles sont empruntées à un rapport sur la discipline, daté de 1890, destiné à une conférence d’instituteurs, et soumis à l’approbation de l’inspecteur d’Académie. L’auteur, avec un mélange de modestie et de fierté, a joint à son rapport imprimé les appréciations de son inspecteur : c’est comme une composition de pédagogie que nous avons sous les yeux, annotée par le chef hiérarchique et responsable. En marge du passage que nous venons de citer, et qui a pour titre : « Accord avec le curé, » ce correcteur écrit : « Tout ceci se rattache trop indirectement au sujet. » Jugeant l’ensemble du travail, il y note, en même temps qu’un « ton déclamatoire, » de « fort beaux passages » et « beaucoup d’idées, et d’idées généreuses, vivement, fortement exprimées. » Quant à des réserves sur la conception même du rôle de l’école, dont ce rapport est l’expression, c’est en vain qu’on en chercherait une seule.

Le même instituteur, qui signe Jean Bonsens, a repris et développé la même thèse dans un autre travail, consacré à la réorganisation des cours d’adultes. « L’Église, écrit-il, est une grande exploiteuse des consciences… Sous le régime théocratique, elle prenait l’homme au berceau et le conduisait jusqu’à la tombe. La République démocratique doit l’imiter en cela. Seulement, au lieu d’aveugler l’humanité par le dogme, de la courber sous l’horreur du mystère, de noyer la liberté dans les flots de l’ignorance, de la superstition et de l’injustice sociale, de créer la misère ici-bas