Lorsqu’il y a peu d’années, ici même, l’auteur des Origines de la France contemporaine étudiait les deux institutions qui se disputent la maîtrise du régime moderne, l’Église et l’école, on pouvait lire dans un périodique scolaire, qui s’appelait l’Union pédagogique française : « La fin voulue par M. Taine et ses nouveaux alliés paraît être la ruine de l’État laïque et son remplacement par le gouvernement théocratique de l’Église, soit direct, soit indirect. » Il est à croire que M. Taine, si cet étrange jugement parvint jusqu’à lui, n’eut ni colère ni pitié : accusé de préparer un nouveau Deux-Décembre au profit d’un nouveau Grégoire VII, il dut noter comme un phénomène psychologique une aussi soupçonneuse vigilance ; et la collection des documens à l’aide desquels il avait rédigé son chapitre de l’École s’enrichit vraisemblablement d’une « fiche » de plus. L’auteur de l’article était instituteur : en voulant faire le procès de M. Taine, il fournissait, sans le savoir, un nouveau témoignage, et d’une singulière crudité, à un autre procès, celui de l’école contemporaine, où M. Taine figurait, non plus comme prévenu, mais comme juge.
Le réquisitoire qu’il tentait contre l’illustre philosophe s’expliquait logiquement par les habitudes d’esprit et les leçons de maintien que le personnel de notre enseignement primaire a reçues depuis vingt ans. Pour beaucoup de jeunes gens sortis de nos écoles normales, une sorte de manichéisme résume et simplifie l’histoire : à l’État laïque, principe de tout bien, s’oppose le